L'eau peut-elle danser devant R'hllor ? [ Temple de R'Hllor Braavos]

Enfin l’armure de Hénosha se fendilla. Comme quoi toutes les protections, toutes les gardes, tous les remparts contenaient une faille.

La victoire fut de courte durée. Car la prêtresse retrouva son caractère inflexible face à la mère éplorée.

Ce n’était pas si grave. Melchior appréciait la voir ainsi comme une sorte de reine très altière. Présentement le spectacle fut gâché. Déjà que la violence paternelle l’avait choqué, la mention de viol le lui fit prendre son flegme légendaire.

Même dans ce monde absurde certaines limites devaient subsister. Le viol était la négation de la beauté que vénérait tellement le spadassin, et aussi de la liberté si sacrée à Braavos.

Il tourna légèrement la tête vers son ancien employeur que ce geste figea. De ce regard émanait une colère froide et déterminée, bien plus inquiétante que n’importe quel geste ou cri.

Par chance pour l’ancien marchand contrairement à lui Melchior suivait un code. Jamais il ne tuerait quelqu’un juste parce qu’il lui déplaisait.

Il lui fallait une offense, un défi ou un contrat.

Par conséquent le serviteur de l’eau suivit celle du feu jusqu’à l’extérieur. Il éprouva alors une sorte de soulagement. Cette histoire répugnante était à présent derrière lui. Car son esprit avait toujours été vagabond.

Il valait mieux se concentrer sur les choses agréables comme la présence d’une belle femme.

Melchior sauta sur son compliment comme un gamin sur une friandise.

« Je suis le meilleur des danseurs d’eau, qui sont les meilleurs des épéistes. » Rétorqua-t-il en affichant un magnifique sourire.

Étrangement ce petit mensonge gêna ce vantard de première. Pourtant les risques qu’Enosha le perçoive étaient moindres. Ses connaissances martiales paraissaient limitées.

Seulement il aurait tellement aimé que cette affirmation soit vrai. Et puis c’était un manque de respect envers son grand rival.

La gêne en résultant le poussa à se concentrer sur autre chose présentement Ferrego.

« Tu vas tenir le coup jusqu’au temple ? » Lui demanda-t-il plus par sens pratique que par solidarité.

Le jeune homme releva alors la tête. D’abord l’air embrumé il écarquilla brusquement les yeux. Il venait de reconnaître : l’homme qui l’avait menti et piégé.

Ferrego tenta de se dégager et étrangement malgré son état y parvint. Tout d’abord parce que Melchior le soutenait au lieu de le retenir. Ensuite sa réaction prit au dépourvu.

Il fit alors quelques pas avant de chuter.

Quant au danseur d’eau il ne réagit pas. Plus exactement il ne sut pas quoi faire, ni dire. Ce qui dans le deuxième cas était extrêmement rare.

Il était pourtant clair que Ferrego avait besoin d’aide et de compréhension. Or ceux-ci sortait du domaine de compétence de Melchior. Personne à tuer, ni à défier. Il était complètement perdu.

Hénosha prit alors le relai en ce qui concerne le jeune homme.

Faute de mieux Melchior la regarda faire. Même si ce genre d’activité de soins lui demeurait étrangère. La sollicitude très peu pour lui.

Le danseur d’eau releva surtout une réflexion à son propos. Ainsi une bonne conscience motivait ses actions. En réalité il avait été question de charme et non de justice dans l’esprit de l’épéiste.

Était-ce une erreur ou un mensonge de la part de Hénosha ?

L’évaluation se révélait délicate. La servante du Dieu de la lumière donnait l’image d’une personne réfléchie et perspicace. D’un autre coté elle connaissait Melchior que depuis une journée.

Il décida de miser sur l’erreur. Tout simplement parce que cette option offrait une perspective intéressante.

Tous ces prêtres étaient obnubilés par la vertu et l’opposition entre le bien est le mal. Seul ceux vénérant le Dieu Multiface avaient compris qu’à part la mort tout était dénué de sens en ce bas monde.

Hé bien la délicieuse Hénosha allait être servie.

« Pas vraiment. » Lui répondit-il d’un air triste. « Je me sens sali. J’ignorais tout du véritable fond de cette histoire. Je croyais ramener à son foyer un adolescent manipulé voir séquestré.
Comprenez-moi j’ai consacré toute mon existence à l’art de l’épée, et me suis toujours efforcé à ce qu’il ne soit pas entaché du moins jusqu’à présent. »

Trouvant sa tirade satisfaisante Melchior décida de poursuivre sur sa lancée.

« Aucun sang innocent ne doit jamais recouvrir ta lame me disait mon maître. »

Une petite confidence prétendument personnelle était toujours touchante.

« J’espère m’être racheté que ce soit aux yeux du dieu multiface ou celui de la lumière. »

Et une mention théologique. Quoi de mieux pour plaire à une croyante ?

« Mais le pardon le plus important reste le tien. »

Cette fois-ci il désigna expressément Ferrego, et lui tendit la main. Ce dernier ne réagit pas vraiment. Il n’était pas en état de le faire.

Qu’importe ce geste était essentiellement destiné à Hénosha.

C’était du grand art ! Si Melchior ne parvenait pas à se « rapprocher » de la prêtresse après cela, on pouvait douter de l’existence d’une justice divine.

Le public était convaincu. Henosha le voyait plus en mercenaire vénal mais en homme trompé.

De son côté Ferrego lui tendit la main.

Que Melchior accepta d’ailleurs. Il eut alors une drôle de sensation. Ce gamin lui était reconnaissant d’une façon inédite.

Les bretteurs, on les félicitait pour leurs victoires et les blâmaient pour leurs défaites.

Là il était question de toute autre chose. Il lui pardonnait ses prétendues erreurs.

Comme si le grand Melchior Zalyne pouvait se tromper. Enfin il n’allait pas contrarier ce pauvre gamin déjà durement accablé. En plus ça aurait gâché son rôle de sauveur.

Il le remercia alors.

Hénosha apprécia aussi la reconnaissance de ses torts.

Voilà qu’on le félicitait pour un échec.

Bien que bizarre cette nouvelle religion était bien représentée avec une telle femme.

« J’accepte humblement votre invitation. » Répliqua Melchior en affichant un petit sourire. « Il ne faut jamais refuser de nouvelles expériences. »

Sa témérité et son arrogance n’étaient pas totalement venu à bout de l’intelligence du danseur d’eau.

La prêtresse s’était-elle laissée réellement bernée ?

Une réponse négative ouvrait la porte à une autre question. Quelles étaient ses intentions ?

Certaines rumeurs couraient sur ce culte. D’un autre coté Melchior avait constaté de ses yeux qu’ils n’usaient pas de la force.

Était-ce exceptionnel ? Et puis d’autres méthodes tout aussi dangereuses subsistaient.

Le risque méritait d’être prit. Et puis l’incertitude fascinait Melchior depuis toujours presque autant que la beauté.

Il n’était pas question de passer à côté d’une situation où les deux se mélangeaient.

En revenant au temple le spadassin se sentit un peu idiot. Hénosha était-elle en train de le mener par le bout du nez ?

Alors qu’il était son antagoniste à la base, Melchior avait fini par agir uniquement dans l’intérêt de cette femme.

Cette intuition fut vite enterrée par son orgueil et son désir. Finirait-il en un adepte soumis de R’hllor ? Ce ne serait que justice.

Une fois à l’intérieur du temple le guerrier vint s’opposer au séducteur chez Melchior.

Les prêtres l’observaient d’une manière pas vraiment amical. Après tout il avait été quelque peu « dérangeant » lors de son précédent passage, et de surcroît était un mécréant.

Ce dernier point se trouvait être particulièrement grave, car le culte du dieu de la lumière était sujet à un principe étrange le « monothéisme. »

Voilà qu’on désirait le désarmer de nouveau. A la différence que c’était pour un laps de temps plus élever à savoir une nuit.

De plus Melchior ne disposait d’aucune stratégie. Même s’il aimait prendre des risques, ils ne devaient pas être inconsidérés. Sinon le courage se transformait en bêtise.

Tous ces bons arguments se brisèrent face à un mot « beauté ».

« Attention je vous remets mon âme. » Dit-il en tendant son épée.

Peut-être d’ailleurs était-ce ce que Henosha convoitait. Après tout son rôle était de faire des adeptes.

Une fois de plus « beauté » revint faire des siennes.

« Je vous suis de très prêt. » Ajouta Melchior avec la « subtilité », qui le caractérisait.

Un certain malaise le suivait encore. Le danseur d’eau n’aimait pas ce lieu. Ces feux omniprésents ne laissaient aucune place à l’ombre. Tout et tous étaient visibles.

Une part d’ombre et d’intimité étaient nécessaires du moins yeux du spadassin.

Un peu de tension lui revint alors mais pas de quoi gâcher l’ambiance.

Même si Melchior préférait parler qu’écouter, il comprit tout de même les allusions de la superbe prêtresse.

Le manipulait-elle ? Enfreignait-elle des interdits de son culte ? Y aurait-il des conséquences ?

Ces questions ne supportaient pas la comparaison face aux yeux bleus et à la silhouette de Hénosha.

Le danseur d’eau se lissa la moustache, et rendit un sourire nettement moins subtil.

Justement il tenta de se rattraper par la parole.

« J’ai toujours été quelqu’un de serviable. De toute façon vous n’êtes pas le genre de femme à laquelle on refuse quoique ce soit. »

Alors il la suivit jusqu’à une chambre dénudée.

Melchior qui plaçait la beauté au-dessus de tout, jugea ce logement indigne de son occupante.

Exceptionnellement il se tut à ce propos.

De toute façon le danseur d’eau comptait bien compenser ce fait. Il allait faire honneur à Hénosha et sa grâce avec toute la modestie, qui le caractérisait.

Alors qu’il se rapprochait Melchior décela soudainement chez sa compagne d’une nuit de la tristesse.

Il se souvint des serviteurs du temple du Dieu Multiface, des gens fades dénués d’émotion entièrement dévoués à leurs causes.

Si Melchior respectait leurs esprits de sacrifices, en revanche il n’enviait pas leurs existences.

En allait-il de même chez R'hllor ?

Hénosha était libre de ses choix après tout. Et puis elle allait oublier sa condition le temps d’une nuit.

Ce n’était pas si mal. Et qui sait ce plaisir lui ouvrirait peut-être les yeux ?

Une telle femme ne devait pas demeurer recluse. S’en était presque un blasphème.

En quelque sorte Melchior effectuait une mission divine.

Melchior était d'accord. Alors j'ouvris la porte de sa cellule pour lui permettre d'entrer, la refermant derrière lui. On ne me refusait rien, j'étais la seule à me refuser des choses. Ou mes supérieurs. Je soutiens son regard avant de m'approcher de lui en souriant très légèrement. Je passais une main sur sa joue, effleurant sa moustache avec douceur avant de joindre mes lèvres aux siennes avec douceur. Cela faisait longtemps que je n'avais embrassé personne... Alors je redecouvrais la manière de faire, je le laissais faire, surtout.

Je rompis le baiser pour reculer d'un pas en l'observant avec attention avant de revenir l'embrasser, une main glissant sur sa nuque l'autre dans ses cheveux pendant plusieurs secondes avant de reculer à nouveau pour poser mes mains sur son torse et sa tenue.

" Puis-je ?"

Je pris une de ses mains pour la poser sur le haut de ma robe, là où les laçages de la robe étaient, comme une invitation.

Le lendemain tôt dans la matinée Melchior refaisait le laçage. Faire et défaire c’est toujours travailler comme disait l’adage.

En fait c’était plutôt « entre », qui demeurait le plus intéressant.

Le spadassin se permit un petit bisou sur l’épaule. Il lui revint alors la sensation de la nuit précédente.

« Et tu disais avoir froid. T’es brûlante. »

A vrai dire cette chaleur était curieuse. Normalement elle émanait de gens fiévreux. Or Hénosha était en parfaite santé.

Ce mystère en aurait rebuté plus d’un. Au contraire Melchior ressentait une sorte d’excitation du fait d’avoir passé la nuit avec une potentielle sorcière.

Il perçut en elle autre chose. Hénosha ne faisait pas ce genre de « chose » souvent. Certains signes ne trompaient pas.

Pourtant cette femme pouvait aisément séduire.

Par conséquent elle s’était permit une sorte d’incartade un peu comme une personne mariée.

En ce qui le concerne Melchior n’y voyait rien de mal. On prenait son plaisir où il se trouvait, peu importe les moralistes autour.

Toutefois il savait se montrer conciliant.

« Dis-moi. » Lui murmura-t-il à l’oreille. « Ma présence dans ta chambre pourrait-elle choquer tes coreligionnaires ? C’est peut-être difficile à croire mais je peux être discret lorsque c’est nécessaire. »

En fait il s’agissait d’une demi-vérité. Melchior avait toujours été un vantard incapable de se taire.

Malgré tout ses mots conservaient une part de sincérité. En effet il était capable de filer discrètement, si la prêtresse le demandait.

Une partie de lui espérait ne pas avoir à le faire. Après tout ils n’avaient rien fait de mal. Ça avait été même très bien du moins ce qui le concerne.

Alors pourquoi le cacher ?

Je rajustais mon corsage alors que Melchior m'embrassait l'épaule. Signe d'une tendresse flagrante après une nuit torride. Je lui offris un regard long à sa remarque puis un sourire.

" Tes bras m'ont réchauffé."

C'était vrai. J'avais bien plus chaud depuis que j'avais passé la nuit avec lui, chassant ainsi des souvenirs obscures... Je pivotais dans ses bras pour être face à lui à sa question. Mes lèvres vinrent se poser sur les siennes avec douceur.

" Nous sommes libres de coucher avec qui nous souhaitons. Tu n'as nullement besoin d'être discret. "

Je me glissai hors de ses bras en douceur pour me diriger vers la porte et l'ouvrir.

" Il m'est quand même l'heure de te raccompagner doux danseur. "

Je lui offris mon bras pour le raccompagner jusqu'en haut. Les premières cérémonies allaient commencer, mais s'il souhaitait rester il le pouvait. Je m'approchai du râtelier.

" Dame Lame ton Âme est ici. Si tu souhaites assister à l'Office tu le pourras sans arme. "

J'inclinai la tête vers lui.

" Je te remercies de ta visite ici et de cette nuit. "

À moi de retourner prier maintenant

Doux danseur. Cette appellation lui plaisait. Mais le plus agréable fut de prendre son bras.

Quoi de mieux que s’exposer avec une telle beauté !

Décidément Melchior était le plus grand vantard de l’est. Et encore on ne savait pas trop ce qui se passait dans l’ouest.

Le danseur d’eau ramassa son épée. Elle lui avait manqué beaucoup moins que prévu. Cette prêtresse faisait de véritables miracles.

Il subsistait certaines limites. Face à la proposition religieuse Melchior réfléchit un court instant afin de bien exploiter sa réplique.

« Je serai toujours fidèle…. au Dieu Multiface. »

Une réponse claire sans agressivité et avec une pointe d’humour.

De son côté Hénosha cherchait visiblement à le convertir. C’était de bonne guerre. Ça aurait été comme reprocher à Melchior de manier l’épée.

Pour preuve le spadassin lui caressa le visage, et répondit à son remerciement.

« C’était un plaisir, littéralement. »

Il s’éloigna en affichant son sourire ravageur.

Le danseur d’eau était plus que satisfait. L’existence était un jeu. Et cette partie s’était révélée agréable.

Il ne gardait qu’un seul regret, celui de savoir la magnifique Hénosha enfermée dans ce temple.