[BRAAVOS] “ I will soften every edge, I’ll hold the world to its best ” ❃ Rhysand

Depuis plusieurs heures déjà, la lune était au firmament dans les cieux de Braavos. De la fenêtre, Nesaleah voyait les eaux du Long Canal se révéler une parfaite toile de fond pour que s'y reflète l'astre lunaire, alors que sa lumière si particulière illuminait la moindre surface de cette tonalité à part. Comme une palette de couleurs qui ne se révélait pas au grand jour, finalement, mais bel et bien à la nuit tombée. Tous les signes étaient là pour faire comprendre à la jeune femme que la nuit était justement bien entamée, et pourtant, elle avait la sensation de perdre la notion du temps. Tout lui donnait à la fois l'impression de s'éterniser en longueur que de se bousculer et se précipiter. On aurait pu tendre un filin entre les deux rives du Long Canal et lui demander d'y jouer les funambules qu'elle ne se serait pas sentie plus équilibriste qu'à l'heure actuelle. Sur l'autre rive, justement, à quelques centaines de mètres de là, plus au Nord, s'érigeait le Palais de la Vérité, tout autant réceptacle et incarnation de la justice et du système suffragiste de Braavos. Sur l'autre rive, aussi, se dressait la demeure des Antaryon ... C'était là, sous son nez, tout autant que le visage inquiet et préoccupé de sa fille, qui ne comprenait que peu de choses à la situation, mais qui, même du haut de son jeune âge, saisissait bien qu'il se passait quelque chose d'anormal. Cela allait au-delà du fait, pour elle, d'avoir désormais un petit frère et de ne plus être l'unique prunelle des yeux de ses deux parents. Non, quelque chose, ou quelqu'un, sans doute ne savait-elle pas trop, l'empêchait de passer autant de temps qu'avant avec son père, de le voir rieur et joueur, là où, en collant son front contre celui de sa mère, elle voyait bien les cernes sous les yeux de cette dernière.

Nesaleah n'avait recueilli aucune confidence explicite en ce sens auprès de sa fille, mais elle avait déjà eu droit à de nombreuses questions, plus ou moins directes, et Nileah, pourtant habituellement si excitée à l'approche de son anniversaire, n'en parlait que fort peu, alors que, dans quelques jours, elle célébrerait ses 5 ans. Et puis la petite devenait plus capricieuse à l'heure du coucher, tentant de le repousser, ou demandant encore et encore si Kaz ne pouvait pas dormir directement avec elle, dans le même lit. Quand elle ne certifiait pas être sure de pouvoir tenir dans le même berceau que lui, si elle se serrait un peu et promettait de ne pas trop bouger ... Le rituel ordinaire du coucher prenait donc des accents différents, et pour Nesa', cela ne se cantonnait pas qu'à sa fille. Ses propres habitudes n'avaient plus vraiment de consistance ou de substance. Et ce depuis que ce maudit Belicho s'était arrogé une place qui ne lui revenait pas, bafouant le droit braavien. Même si, et elle le savait, pour elle, ce n'était pas qu'une histoire de respect des règles. C'était plus que cela. C'était une rivalité tenace, qui fleurissait de jour en jour. Blâmer l'époux de sa tante de nombreux maux n'avait rien de nouveau pour elle, mais dernièrement, elle lui mettait vraiment tout sur le dos. Y compris le fait qu'il lui prenne Rhysand. Qu'il ne facilite en rien, non plus, les nombreuses turpitudes intérieures qui la rongeaient par rapport à ce secret personnifié tout entier par Kaz ... Alors, si pour d'autres, observer la lune et la ville, au dehors, pourrait permettre d'apaiser son cœur et de se défaire, un instant, de la pesanteur de la réalité, cela ne fonctionnait pas pour Nesa'. Elle tentait bien, mais cela l'amenait à plus ou moins errer comme une âme en peine dans les couloirs et les galeries intérieurs des Tours Ombreuses. Laissant ses doigts glisser le long des tapisseries des murs et de la boiserie des meubles, en quittant la chambre occupée par ses enfants, enfin tous deux endormis.

Et cette nuit, regagner directement sa propre chambre ne lui dit rien qui vaille, bien qu'elle avait déjà revêtu ses habits de coucher, car elle était déjà certaine que Rhysand en serait absent. Elle ne l'avait pas vu de la journée, mais n'avait pas vraiment eu le temps de chercher à en savoir plus, même si ce n'était pas l'envie qui lui en avait manqué. Car savoir où il était et ce qu'il faisait dépassait le cadre de la possessivité naturelle et primaire qu'elle éprouvait à son égard. Mais elle avait dû gérer une crise de Kaz, dont une nouvelle dent commençait à effleurer, après la première lui étant déjà poussé depuis quelques semaines. Elle avait donc dû se focaliser sur son fils, bien consciente, en dépit de ses négations internes, que Rhys' savait se débrouiller seul sans elle sans obligatoirement foncer droit dans le mur, là où Kaz était bien plus démuni. Mais alors que ses pas, instinctivement, l'avaient conduite jusqu'à la pièce servant de bureau principal à son frère, elle y aperçut une faible lumière dans l'entrebâillement tout comme sous le seuil. Rhysand s'y trouvait donc, et ce lien si particulier entre eux avait su la guider jusqu'ici pour cette raison là. Et alors que Nesaleah poussait la porte d'une main délicate, comme pour se faire la plus silencieuse possible et se mouvoir telle une ombre, son regard se posa directement sur son jumeau, qui lui tournait le dos. Ne prenant pas la peine de s'annoncer, n'en voyant ni l'intérêt ni la nécessité, elle passa ses bras autour de la taille du jeune homme, non sans coucher sa tête sur l'une de ses épaules avant de fermer les yeux. “ Tu m'as manquée ... ” Le soupir qu'elle lâcha fut tout autant d'appréciation que de lassitude. “ Où étais-tu ? ” Son étreinte se resserra, comme pour lui faire payer, à sa façon, son silence sur la chose. Elle n'était pas censée être gardée dans l'ignorance, sa superbe et son orgueil ne l'acceptaient pas. Mais immédiatement, l'une de ses mains se faufila le long du torse de Rhys', s'accrochant presque à son coeur, alors que Nesa' redressa la tête, laissant son nez, puis sa bouche, remonter le long du cou de son jumeau.

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Nesaleah détestait ne pas recevoir de réponses à ses questions, particulièrement lorsque cela avait attrait à son frère jumeau. Cela avait toujours été ainsi, d'aussi loin qu'elle s'en souvenait. C'était comme un refus primal et instinctif, venant du plus profond de ses entrailles. Un refus que quoi que soit puisse s'immiscer entre eux ou créer de trop grandes zones d'ombre. Elle savait tout à fait combien cela faisait-elle un être capricieux et déraisonnable, mais elle s'en contrefichait bien. Là où elle était également parfaitement consciente qu'elle était aussi fort hypocrite, n'étant pas sans cacher elle-même des choses à Rhysand, et sachant très bien se hérisser quand c'était à elle de répondre. Faîtes ce que je dis, et non pas ce que je fais, donc ... De toute façon, d'un point de vue générale, Nesaleah détestait de nombreuses choses, lui conférant sans doute des airs d'éternelle insatisfaite. Mais cela n'était pas sans faire son charme, non, que le fait qu'elle soit incapable de se contenter de peu ou de se satisfaire des attendus habituels. Car elle ne manquait pas non plus de grandes qualités, comme le fait de reconnaître les mérites à leur juste valeur. Enfin, dans certaines circonstances et concernant certaines personnes, non, mais c'était là d'insignifiants détails, des exceptions à la règle qui ne méritaient pas d'être prises en compte ... N'est-ce pas ?

Sur l'instant, orgueilleuse qu'elle était, elle préféra se satisfaire de l'entendre lui dire ce qu'elle savait déjà au plus profond d'elle-même : elle aussi, elle lui avait manqué. Même si la fatigue ankylosa quelque peu son cerveau à l'instant de traduire ses paroles initiales, là où elle devait bien reconnaître que sa propre fille, du haut de son très jeune âge, était bien plus douée qu'elle en haut-valyrien, c'était dire ! Fort heureusement, la force de l'habitude fit son affaire, car c'était loin d'être la première fois qu'elle entendait Rhys' la charmer ainsi. “ Pourquoi cela sonne-t-il toujours si enivrant et érotique entre tes lèvres, là où, lorsque je m'y essaie, par mimétisme, on a l'impression que je suis en train de me lacérer la langue avec mes propres dents ? ” C'était si injuste ... Et si surprenant, aussi, lorsqu'on savait combien elle mettait un point d'orgue à réussir tout ce qu'elle entreprenait. Ce que fut bien moins surprenant, en revanche, ce fut de voir et d'entendre Rhysand plus ou moins esquiver sa question. C'était attendu de lui, et sans doute se serait-elle réellement inquiétée s'il lui avait directement donné réponse. Un mécontentement exista tout de même en sa poitrine et qui la fit quelque peu pester d'une sorte de ronronnement caractéristique à sa personne en une telle situation. Une situation qu'elle avait déjà vécu et qu'elle vivrait très probablement encore. Plus jeune, sans doute lui aurait-elle ouvertement piétiné le pied pour l'obliger à répondre, avant de se reculer et de bouder, mais elle avait mûri, depuis, et puis ... Et puis, la synergie si particulière qui existait entre eux, en tant que jumeaux et amants, la rendait incapable de se décoller de lui, maintenant qu'elle pouvait être tout contre lui.

La jeune femme avait attendu cet instant toute la journée, et même depuis fort longtemps, à vrai dire, sans trop savoir jauger l'attente, car, après tout, le flux du temps perdait de sa logique dernièrement pour elle. À vrai dire, si elle avait attendu cet instant si ardemment, son esprit n'avait pas élaboré qu'une seule représentation de l'instant de leurs retrouvailles. Même si, peu ou prou, tout s'achevait vers la même finalité. Une finalité à laquelle ils n'étaient pas encore arrivés. Ils portaient encore trop de vêtements pour ça et restaient encore trop peu fusionnés peau contre peau. De fait, ni l'un ni l'autre ne semblait en tout cas se refuser à débuter les choses, à leur façon habituelle et si particulière. Elle ne lui marqua finalement que fort peu son désagrément quant à l'entendre fuir la réponse qu'elle attendait, là où lui ne lui intima pas l'ordre de se taire et ne la repoussa pas. Du moins, jusqu'à un certain point. Alors une moue très brièvement offensée s'empara de son visage, avant qu'elle ne laisse ses lèvres s'étirer de façon quelque peu sarcastique. “ Mais quelle bonne idée, pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?! ” Ses mains emprisonnés par celles de Rhysand, elle laissa les dernières phalanges de ses doigts s'agiter dans le vide, comme si elles cherchaient à retrouver le contact de la peau du jeune homme tout contre leur propre épiderme. “ À quoi bon ... Aller me coucher, sans toi à mes côtés, et laisser l'épuisement gagner la partie, et puis me réveiller, toujours sans toi à mes côtés, et me sentir toujours aussi épuisée de n'avoir fait que cauchemarder. ” C'était une accusation involontaire tout autant qu'un constat. “ Mais au moins n'ai-je pas à m'inquiéter de ne ressembler à rien devant tes yeux au matin. ” Même si, évidemment, elle restait resplendissante, même les cheveux emmêlés et les yeux encore engourdis de sommeil, cela coulait sous le sens ! “ Ou à sentir mes reins m'élancer en me penchant un peu trop vite pour chercher où tu aurais bien pu me faire perdre mes sous-vêtements ... ” En d'autres termes, des nuits sans songes heureux, sans sommeil réparateur, et sans sexe du tout. Très très alléchant comme programme, hmm ? “ Tu sais que je pourrais te dire la même chose ? D'aller dormir ? À mes côtés, de préférence. ” Mais elle était prête à en faire la concession, ou presque, pour peu que cela l'assure du fait que Rhysand parviendrait à bien dormir.

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