[Port-Réal] Réparer l'affront | Edmund Gargalen (terminé)

Aelinor portait une robe de velours grise sans manche au décolleté plongeant, le buste très ajusté était brodé de motifs argentés et le bas tombaient en une jupe fluide. Le tout était accompagné d’une une ceinture d’argent ciselé avec une topaze de belle taille en son centre. Ses cheveux étaient tressés avec des rubans de satin argentés et bleus comme ses yeux en un imposant chignon dont quelques mèches ondulées tombaient sur ses épaules. Elle portrait au poignet, un bracelet de topaze améthystes et aigues marines, des boucles d’oreille en or blanc ciselées d’une tour surmontée d’une topaze en forme de flamme. Son profond décolleté laissait entrevoir le pendentif en forme de flamme orné d'un rubis qui tombaient entre ses seins au bout d’une fine chaîne en argent.

__ Bonjour Ser, le Prince Edmund est-il là ?
__ Oui.
__ Ah…


Hochant la tête en faisant la moue, la Hightower hésita. La présence d’Edmund dans ses appartements ne correspondait pas à son plan, c’était ennuyeux. Mais elle ne pouvait pas faire demi tour après avoir fait porter le coffre à son épée lige dans toute l'hostellerie du Donjon Rouge jusqu’à trouver des soldats dorniens reconnaissable entre mille. Alors elle s’adapterait.

__ Dix étoiles pour me laisser entrer et ne rien dire à votre Prince. Je veux lui faire la surprise, cela fait une éternité que je ne l’ai pas vu et j’ai un cadeau pour lui.


Le garde fit non de la tête.

__ Vingt. Évidemment mon épée lige reste dehors.


Un nouveau refus.

__ Un cerf d’argent ! Il sera tellement content de me voir.


Immobile devant la porte, le garde se mit à regarder devant lui comme si Aelinor n’existait pas, ce qui l’énerva passablement. Elle haussa le ton.

__ Je suis Lady Aelinor Hightower vous pourriez faire preuve d’un peu de respect !
__ Je sais parfaitement qui vous êtes, mais le Prince a demandé à ne pas être dérangé.
__ Je vois. Vous faites votre travail.


Se radoucit-elle avant de secouer la tête d’un air désolé.

__ Mais quand je lui dirais que vous m’avez laissé devant sa porte, je doute qu’il apprécie votre excès de zèle…


La porte s’ouvrit. Mais ce n'était pas le garde, toujours imperturbable, qui l’avait ouverte. Edmund fit son apparition dans l’ouverture et Aelinor se fendit d’un grand sourire amical.

__ Prince Edmund ! J’ai un présent de mariage pour vous.


Elle s’écarta pour montrer la malle que tenaient son garde à la livrée Hightower qui attendaient avec patience depuis toute à l’heure. Il tendit le coffre au soldat dornien sans trop lui laisser le temps de réfléchir et celui-ci le prit.

__ Hé bien qu’attendez-vous, portez cela dans les appartements de votre Prince, il ne va pas attendre tout l’après-midi !


Le garde entra un peu penaud et posa la malle par terre. Aelinor lui emboita le pas sans se faire prier et attendit à côté de la malle que le soldat prenne congé. La boite en elle même aurait pu faire office de présent de mariage, en bois marqueté de motifs géométriques de toute les couleurs, elle présentait des entrelacs de métal et des pièces richement ouvragées.

__ Voyez-vous, suite à notre entrevue à Port-Real, je m’étais fait faire une nouvelle robe en soie orange particulièrement adaptée au climat de Dorne. Elle ne me servira donc pas étant donné qu’après deux ans de silence, vous m’avez annoncé vos noces sans égard pour mes sentiments.


Son sourire s’effaça pour laisser place à un regard glacial qu’elle plongea sur Edmund.

Effectivement, Aelinor ne laissa que peu le temps de réfléchir à Edmund et à son garde, ainsi eut-elle tôt fait d’entrer sans que personne ne l’ait réellement autorisé à le faire. Et tandis que le garde prenait congé et allait demander de quoi se sustenter, la brune s’installa confortablement dans un joli fauteuil qui avait l’air suffisamment moelleux pour son délicat séant. Elle constata par la même occasion qu’Edmund bénéficiait d’appartements bien supérieurs en termes de décoration que celui qui lui avait été attribué. Normal me direz-vous, différence de rang oblige, mais cela ne l'empêchait pas d’être vexée et de convoiter plus que jamais un statut supérieur qui lui conférerait ce genre de confort. Pas que sa chambre soit inconfortable, loin de là, mais si aucune malle ne traînait en plein milieu, il n’en était pas moins qu'elle était plus petite et en jetait moins pour recevoir.


La Hightower saisit le verre servit un instant plus tôt et fit turbiner le liquide carmin sans cesser de fixer le dornien en train de boire une bonne partie de sa coupe. Elle fit une sorte de grimace en craignant que la qualité de vin ne soit pas à la hauteur avant de le humer, un hochement de tête approbateur signifiait qu’elle était agréablement surprise. Mais elle se demanda si cela allait avec la chambre ou si c’était un choix du Gargalen. Elle finit par y tremper les lèvres, buvant une petite gorgée avant de reposer sa coupe en écoutant le jeune homme.


Après qu'Edmund se soit exprimé, elle observa longuement la décoration en laissant planer un silence pesant dans la pièce. Dire qu’elle aurait pu partager cette chambre avec lui plutôt que de se voir pressée d’épouser quelqu'un pour éviter de partager la couche de Bronn le caca. Cet enchaînement d'événements fâcheux lui donneraient presque envie de pleurer si elle n’était pas tout à fait décidée à tout faire pour empêcher le gouverneur du Bief de poser les mains sur elle quitte à déclencher une guerre ouverte entre Villevieille et la Couronne. Le dornien avait-il seulement conscience des enjeux, au-delà même de l’ambition de la brune aux yeux d’un azur glacial, l'avenir du bief de la Grand Tour dépendait peut-être de ce mariage, ou plutôt de son absence. Elle reposa ses yeux céruléens sur Lord Gargalen.

__ Ne vous a-t-on jamais dit que refuser un présent était du plus mauvais effet, notamment sur les alliances ? Votre épouse fait sensiblement la même taille que moi si mes renseignements sont bons, et le orange sierra fort bien à son teint. Nous importons cette soie de Yi-Ti, elle est d'une grande qualité, permettez moi d'insister, car même si elle a été faite à mes mesures, elle est digne d'une Princesse de Dorne et la porter me ferait trop penser à vous et à tout ce que nous aurions pu accomplir ensemble.


Elle mit son index sous son nez comme pour se retenir de pleurer et pour se donner une contenance, elle but une gorgée de vin.

__ Mais si véritablement vous souhaitez me voir la porter pour votre mariage avec Lady Elia Dayne.


Commença-t-elle en insistant ostensiblement sur le nom de l’heureuse élue qui n’était manifestement pas le sien.

__ Peut-être pouvez-vous effectivement trouver d’autres moyens de me contenter afin que j’oublie le tort que vous m’avez causé et que je puisse envisager de parler à mon père de ce que la Maison Gargalen et la Maison Hightower pourraient construire ensemble.


Posant deux doigts sur sa joue en avançant les lèvres, la brune aux yeux azur se mit à réfléchir à ce qui pourrait bien la contenter. Comme pour elle-même, elle se mit à chuchoter le fruit de sa réflexion.

__ Citrons, dattes, cela est bon pour l’import, intéressant dans une alliance, mais nettement insuffisant comme dédommagement pour une telle perte de temps concernant l’union de la fille aînée du sire de Villevieille. Nous avons laissé passer tant d'opportunités…


Du bout des doigts, elle prit une datte, visiblement importée de dorne, car en cette saison, à part les pommes et les poires, les fruits étaient encore rares. Elle la mit pour moitié entre ses lèvres et arracha la chair avec ses dents avant de la retourner, de l'attraper par le noyau et de la terminer. Puis, reprenant son verre, elle but une nouvelle gorgée de vin en souriant au dornien comme s’il n’avait pas entendu ce qu’elle venait de dire.

__ Vous savez Lord Gargalen, j’adore les chevaux. Contrairement aux Princes, ils sont fidèles et je suis passionnée par l’équitation. Évidemment la réputation des coursiers dorniens n’est plus à faire et j’admire comme vous avez su allier vitesse et endurance dans un animal aussi beau. Cela frise la perfection, n’est-ce pas ?


Un large sourire se dessina sur son visage, elle prit le temps de manger une nouvelle datte avant de reprendre.

__ Voilà donc un paiement que je jugerais honorable, un coursier dornien…


Elle but, plongeant son regard dans le verre. Puis levant les yeux vers Edmund, elle ajouta.

__ … par année de silence. Bien évidemment.

Ce n’était effectivement pas à Aelinor d’offrir quelque chose, mais le revirement d’Edmund était trop gros pour être vrai. Était-ce cependant son jeu d’actrice un peu surfait concernant ses larmes ou autre chose qui avait fini par convaincre le Gargalen d’accepter la robe ? Elle hésitait, mais se pourléchait les babines d’avance à l’idée de la voir sur Elia. La robe lui irait si bien. Elle adorait faire des cadeaux somptueux, si possible qui ait un sens pour qui les recevait. Une robe de Princesse pour la Princesse de Dorne, descendante de la glorieuse lignée des épées du matin. Oui le choix d’Edmund au fond était parfait et si elle n’avait pas convoité ce titre elle l’aurait approuvé. D’ailleurs elle l’approuverait, mais d’abord, elle voulait une petite compensation, pour ne pas avoir l’amer sensation d'avoir tout perdu. Après tout, la vérité était qu'elle avait été faite pour la Dayne, ce petit jeu de dupe ne visant qu’à émouvoir suffisamment Edmund pour qu’il comprenne qu’il lui devait plus qu’une missive. Comment aurait-il pu savoir à quel point la brune lui en voulait si elle ne le lui avait pas signifié avant de planter ses yeux azurs dans les siens comme une panthère plante ses griffes dans sa proie.

__ Merci. Vous n’avez pas idée du soulagement que vous me procurez en acceptant, gardez le coffre également, je l'avais fait faire pour vous.


Soupirant avec un air mélancolique elle caressa le coffre du bout des doigts. Oui, toutes les opportunités semblaient bien pâles à côté d’un mariage avec le Prince de Dorne, fut-il un Gargalen et non un Martell. Le souvenir de la Montagne écrabouiller la tête d’Oberyn entre ses mains lui revint et elle détourna les yeux, se cachant dans son verre pour qu’il ne voit pas ses dents se serrer et son regard se plisser de haine. Encore une œuvre des Lannister. A présent le destin lui donnait raison d’avoir attendu, la promesse d’un avenir encore plus glorieux était là, de l’autre côté du détroit avec un jeune homme au regard d'améthyste.


Edmund était vexé de la comparaison, et la Hightower en était ravie, dissimulant son sourire en mangeant une datte. Il confirma que les coursiers dorniens étaient des montures extraordinaires, la brune aux yeux céruléens le savait, elle en connaissait également le prix moyen. Mais ce n'était pas la seule raison pour laquelle elle en voulait un. Ils étaient rapides et tenaient la distance comme nul autre, y compris dans le désert. Ils avaient un pied sûr et des allures relevées digne d’une reine, enfin leur port de tête et de queue ainsi que la ligne de leur dos et de leur longue encolure leur conférait une grâce incomparable. Donc, il lui en fallait un. Elle attendit la réponse du Prince avec une certaine impatience tandis qu’il savourait son citron. Quelle idée de manger ce fruit avant qu’il ne soit confit au miel avec quelques épices. Enfin, il faisait bien ce qu’il voulait avec ces citrons.


Mais contre toute attente il accepta, tout d’une traite. Bien trop vite d’ailleurs au goût d’Aelinor qui se rendit alors compte qu’elle aurait pu, et dû, demander bien plus. Mais voulait -elle le plumer alors qu’elle souhaitait autant que lui qu’une alliance commerciale, voir plus, puisse se faire entre les Hightower et Dorne. La phrase comme sa tournure était épique, et si elle avait été plus proche de lui, elle aurait ri aux éclats. Mais malgré un léger sourire, elle tiqua, ne la connaissait-il pas un peu trop bien pour n’être point un danger tapis dans l’ombre une fois cet arrangement passé ? Est-ce que la vengeance du dornien serait aussi brûlante qu’une dornienne ? Est-ce qu’il l'assouvirait malgré les intérêts qu’ils pouvaient avoir à devenir alliés ?

__ Vous avez vu juste Sire, sauf sur un point. La seconde bête ira à mon futur époux et aucune autre robe que la rarissime noire ne pourrait lui convenir.


Fit elle en se retenant de toutes ses forces de glisser ses doigts le long de la chaîne au bout de laquelle la flamme au rubis dansait entre ses seins.

__ Hélas, j’ignore encore qui il sera et je crains que votre silence ne me coûte bien plus qu’un cœur brisé et deux ans d’une vaine attente. Par égard pour le Prince que vous êtes, je n’aurais jamais pu entamer une discussion avec le moindre noble sans avoir eu de réponse de votre part. J’aurais certainement dû vous écrire pour m’enquérir de la situation, mais par respect pour vous et votre fonction, j’ai préféré m’abstenir et faire preuve de patience. Cependant, il s’avère que le Seigneur mon père a refusé un prétendant pour moi et que ce prétendant l’a fait emprisonné suite à ce refus. Lord Baelor va bien et il est libre à présent, mais moi je vis depuis dans la peur que l’homme ne l'oblige à l’épouser. Il en a le pouvoir.


Aelinor se leva brusquement et commença à marcher jusqu’à la fenêtre. Elle essayait de contenir sa colère et la terreur bien réelle que lui inspirait l’idée d’épouser Bronn dans des pas mesurés. Mais malgré tous ses efforts, la nausée et les larmes lui montèrent au nez. Le poing serré, elle observa longuement la cour du Donjon Rouge grouillant de monde en priant les Sept pour que Bronn la Nera soit tué lors de ce tournoi et cesse de la tourmenter pour toujours.

Aelinor était prête à attendre le Pince charmant effectivement, en la personne du Prince qui fut Promis, héritier légitime des Targaryen, Roi des Sept Couronne. Elle comptait bien lui offrir ce cheval et bien d’autres choses, une armée, une flotte de guerre et des héritiers. Parce qu’il était celui, le seul, qui à présent, pouvait réaliser ses rêves de conquête et de couronne. Mais elle le savait bien loin des turpitudes de Port-Real et de Westeros en général, bien trop loin d’elle en somme. Elle avait appris l‘identité d’Aegon, peu après sa rencontre avec Edmund et cela avait rebattu les cartes. Une seule vérité lui avait sauté aux yeux, la patience dont avaient toujours fait preuve les membres de sa maison était une qualité qui évitait bien des déboires. Pour autant, cette attente lui avait valu un titre de Princesse bien plus tangible que l’éventuelle couronne que pourrait lui octroyer Aegon. Elle était parfaitement consciente que fonder tous ses espoirs en lui était une folie, mais l’amour n’était-il pas une folie ? D’ailleurs aimer le souvenir d’un homme que l'on n’a plus croisé depuis des années était une folie. Douce et belle folie de caresser l’espoir de devenir sa femme un jour avant que les Dieux, le destin ou simplement la vie en decide autrement. Pouvait-elle encore se permettre ce luxe alors que le pire mariage possible se profilait à l’horizon ?


Cette idée lui donna un frisson, et c’est un peu adoucie et avec un léger sourire plein de regrets qu’elle se retourna vers Edmund pour lui répondre.

__ Je sais cela. Combien un Prince est occupé. Je ne voulais pas vous forcer la main, je voulais que vous preniez le temps de peser le pour et le contre d’une telle alliance en fonction de la situation à Dorne. Sans compter qu’il me fallait convaincre mon père. Mais c’était une période compliquée pour moi également, la rébellion de nos vassaux, mon père emprisonné. Je…


La brune détourna ses yeux azur du jeune homme pour regarder par la fenêtre avec mélancolie avant de reprendre dans un sourire.

__ Qui sait ce qu’il serait advenu si je vous avais écrit…


Une profonde inspiration souleva sa poitrine tandis qu’elle s’accrochait au rebord de la fenêtre comme pour garder l'équilibre. Pas une larme ne serait versée sur celui qui aurait dû sauter sur l’occasion d'épouser Aelinor et de s’allier avec la Maison Hightower, la harcelant s'il le fallait pour que ce mariage se fasse? A ce prix là elle aurait pu oublier Aegon, peut-être. Pourtant, elle ignorait ce qu’elle gagnerait à l’attendre encore, mais elle savait ce qu’elle avait déjà perdu. Seul l’avenir dirait si le jeu en valait la chandelle et pour l’instant la flamme de Villevieille chancelait quelque peu, prenant conscience qu’une simple missive aurait pu changer son avenir du tout au tout, et qu’une autre missive l’avait détournée de ces objectifs. Ce qui est fait est fait…. Cette fois, sa main se porta à sa poitrine et elle caressa la chaîne du bout des doigts jusqu’à effleurer le pendentif. Elle sourit en se disant que le peut jeu auquel elle jouait avec Edmund ne serait pas jouable face au Targaryen. Mais un mariage à Bronn, s’il ressemblait fort à une mascarade, ne constituait pas un jeu et elle ne tolèrerait pas qu’il la touche, sauf qu’il était bien trop tôt pour entrer en guerre ouverte. Edmund lui conseilla d’envoyer plus de corbeaux, cette remarque l’amusa et elle se tourna vers lui avec un sourire.

__ J’y songerais, mais tous les hommes qui peuvent me mériter seront ici d’ici peu.


Puis détournant à nouveau son intense regard céruléen, elle ajouta dans un murmure, cependant audible par Edmund.

__ Seulement si je savais déjà qui épouser, je n’aurais pas fait la même erreur qu’avec vous, il serait déjà au courant.


Elle lui sourit à nouveau en hochant la tête.

__ Aucun corbeau ne pourrait me sauver des griffes de Bronn s’il décide de faire de moi sa femme.


Dit-elle en serrant les dents et le poing, plantant ses ongles dans le rebord de la fenêtre tandis que son cœur manquait un battement et que l’air se bloquait dans sa gorge. Elle prit quelques instants pour reprendre son calme et pouvoir à nouveau parler, toujours tournée vers la fenêtre, regardant manteaux blancs, hommes du guet, manteaux rouges et soldats venus de partout s'entraîner ou discuter.

__ Seul un mariage consommé serait incontestable, mais là, je suis démunie face au Sire de Hautjardin. Je n’ai rien ni personne pour me protéger.


Son cou se contracta et elle serra à nouveau les poings pour que ses mains cessent de trembler.

La Hightower était furieuse, c'était elle qui depuis son enfance tendait les pièges et là elle se retrouvait acculée par un simple reître qui avait mieux joué la partie qu'elle malgré un manque flagrant de manières. C'était tout bonnement inadmissible. Non seulement pour son égo, mais également pour ses plans de carrière et ses ambitions. Il fallait qu'elle se sorte de ce guêpier et manifestement, elle ne pouvait compter que sur elle-même. Son père ayant choisi un mariage au rabais pour préserver la paix et sa maison. Pour autant elle savait très bien qu'ils n'étaient pas prêts pour une guerre et qu'il convenait de l'éviter. Elle allait devoir faire un choix des plus difficile et garder le cap dans la tempête, quitte à mettre son égo de côté. Mais elle se préparait peu à peu à la confrontation, cherchant des alliés pour l'aider à inverser le rapport de force.


Cela n'était pas le plus important, l'orgueil, au fond, tout cela n'était qu'un jeu de dupes pour la forme. Grand Tour ne pliait jamais en apparence et elle se devait de garder cette réputation de grande puissance. Quitte à ce que les gens la craignent plus qu'il ne l'apprécie. La peur était un puissant levier de pouvoir, l'argent également, l'amour jamais. Grand Tour négociait, Grand Tour jouait au cyvosse, déplaçant ses pions sur le plateau, reculant s'il le fallait, se laissant manger une pièce pour mieux coincer l'adversaire et le pousser à la faute. Il ne s'agissait pas de fierté mais de pouvoir.

__ Je ne peux pas choisir mon futur époux, le plus grand allié des Hightower, en quelques jours. Je ne peux pas céder à la peur en célébrant le mariage à la hâte et jurer devant les sept de le servir toute ma vie durant. La cérémonie peut être modeste, mais le serment ne l'est pas et ne saurait le devenir, jamais. Ce serait un aveu de faiblesse que de craquer sous la pression imposée par le gouverneur de Hautjardin et la maison Hightower est tout sauf faible.


Une situation qui semblait beaucoup amuser le Prince de Dorne, mais qui n'amusait pas la jeune femme un seul instant. Elle ravala cependant tant bien que mal sa colère pourtant bien réelle. Elle inspira profondément et revint à pas lents vers la table pour prendre sa coupe. Elle se redressa et but une gorgée de vin avant de reprendre sur un ton ferme.

__ Et mon refus, quel effet aurait-il donc sur l'assemblée ? L'homme a enfermé mon père, il n'aura pas le plaisir d'obtenir ma faveur.


Encore moins ma virginité.


S'approchant du Prince, la brune aux yeux azur, le fixait de son regard acéré. Pourtant, elle n'était pas fâchée contre lui, plus maintenant qu’il avait fait amende honorable si tant est qu’elle l'ait jamais été. Arrivée à quelques centimètres de lui, elle se baissa lentement comme pour une révérence, puis étalant sa robe tout autour, elle s'agenouilla et baissa la tête, offrant au Gargalen une vue plongeante sur ses meilleurs arguments et ce sans le crucifier du regard.

__ Je vous supplie à genoux de me sauver des griffes de ce scélérat. Au nom d'une alliance lucrative pour nos deux régions et au nom de la paix du royaume ainsi que de la sûreté de nos frontières communes. Vous pouvez en tant que suzerain intercéder en ma faveur auprès de la couronne et faire en sorte que les membres du Conseil Restreint ne lui permettent pas de me forcer à l’épouser. Je peux en tant que Hightower convaincre tous les nobles du Bief de rejoindre cette alliance.

Aelinor hésita un instant quand Edmund lui demanda de se relever. Elle le regarda fuir la vue qu'elle lui offrait de bon cœur en échange du service qu'elle lui demandait. Il méritait bien de se rincer l'œil autant qu'il voulait puisqu'il n'aurait pas d'avantage étant donné ses récentes fiançailles. Il était loin d'être le premier à lorgner sur le décolleté de la jouvencelle et ne serait pas le dernier. Elle en jouait souvent pour arriver à ses fins et tant que la cible de son opération séduction touchait uniquement avec les yeux, cela ne la dérangeait pas. Il fallait cependant être prudente avec ce genre de jeu et bien choisir la personne avec laquelle jouer car tous les hommes n'étaient pas aussi respectueux que le Prince de Dorne. Le voyant ainsi se lever hâtivement, elle loucha entre ses seins pour voir si le décolleté était moins agréable à regarder que prévu. Elle aurait juré que non pourtant. Mais vu qu'il s'était éloigné et lui avait demandé de se relever, elle se remit sur ses pieds et joignit les mains devant elle en baissant les yeux.


La brune aux yeux céruléens jeta un regard aux dattes qui lui faisaient de l'œil, mais ce n'était vraiment plus le bon moment pour succomber à sa gourmandise. L'instant était solennel et devait le rester. Même si la Hightower jouait avec les sentiments d'Edmund, elle jouait également sa vie dans cette histoire. Il pouvait sembler qu'elle mettait la même intensité que pour les cheveux et en quelque sorte c'était vrai. L'enjeu était loin d'être le même, c'était d'ailleurs pour cela qu'elle s'était agenouillée, pourtant ce n'était que la continuation de la partie entamée à son arrivée. Le premier round était destiné à jauger l'adversaire. Si elle l'avait vraiment suffisamment bien évalué, elle n'aurait pas été surprise par sa réponse, et pourtant ce fut le cas. Il est vrai qu'elle cherchait à avoir une voix de suzerain en sa faveur, mais ne comptait pas sur lui seul pour faire pencher le conseil restreint. Elle voulait le poids du nombre, elle voulait que les soutiens de Bronn y pensent à deux fois avant de s'aliéner toujours plus de puissantes maisons à cause de lui. Elle voulait simplement que le rapport de force change suffisamment pour que certains hésitent.


Surprise donc par ce refus, ou plutôt par la clairvoyance du jeune homme en matière de politique. Elle le regarda en hochant la tête. Il n'avait jusqu'ici pas fait montre d'un esprit stratégique digne de son titre et là, si. Alors soit il trouvait une excuse pour ne pas l'aider, c'était compréhensible, soit il comprenait les enjeux mieux qu'elle ne l'aurait imaginé. La proposition du Gargalen qui suivit lui indiqua qu'il était non seulement prêt à l'aider mais qu'il avait très bien compris les jeux de pouvoir et la guerre des nerfs qui se profilaient. Il avait donc raison, le plan de la Hightower était voué à l'échec et il avait beaucoup mieux en stock. Déstabilisée elle bafouilla

__ Je… vous… merci. C'est… je n'aurais pas pu espérer meilleure proposition de votre part.


C'était le plan de Baelor, mais lui voulait la marier pour de bon, pas la fiancer pour la gagner du temps et du temps c'est tout ce qui lui manquait. Un instant, elle eut un doute sur la sincérité du Prince, rompait-il vraiment les fiançailles ? Si sa volonté était de maintenir de bonnes relations avec les Hightower, il n'avait pas de raison de biaiser. Aelinor n'aimait pas l'idée de rompre des fiançailles plus qu'Edmund, mais c'était un cas de force majeure.

__ J’accepte et je ne saurais assez vous remercier pour le service que vous me rendez. Mais... je me sens mal vis à vis de votre frère, vous êtes sûr que cela ne le mettra pas en colère de me servir d'excuse ? Si vous pensez qu'il ne s'en offusquera pas, nous pourrions signer un contrat en bonne et due forme dès maintenant pour formaliser les fiançailles. L'accord tacite de rompre renforcera la confiance mutuelle entre nous et notre alliance n'en sera que plus solide. Quand à Damion, si je peux un jour compenser le sacrifice consenti, je le ferais avec plaisir.


Suite à la question du dornien, Aelinor fit la moue. Elle hocha la tête avec un sourire gêné et tira sur la chaîne pour sortir entièrement le pendentif de son corsage.

__ Ah… hum… c’est un peu embarrassant Sire.


Elle le regarda un moment, la flamme ciselée dans le métal et le rubis qui y était incrusté, tout cela avait pris une toute nouvelle signification lorsqu’elle avait appris l’identité de celui qui lui avait offert.

__ Très bien, je vous fais confiance sur ce point et discuterais avec lui d’une compensation une fois que notre affaire sera réglée et les fiançailles rompues. Je comprends bien votre besoin de réflexion et je me garderais de vous presser, cependant, j’ignore quand Bronn décidera de passer à l’offensive. Ce jour-là, il me faudra un accord de fiançailles en bonne et dûe forme et signé de votre main et de la mienne. La Nera risque de ne pas se laisser berner sans cela et avec votre seule parole, je le crains. Prenez-votre temps, mais cette fois, ne m’oubliez pas où je pourrais me retrouver mariée contre mon gré au gouverneur du Bief.


Aelinor n’en voulait pas à Edmund de ne pas vouloir signer le document officialisant les fiançailles avec son frère dans l’instant, cependant, elle savait que le temps ne jouait pas en sa faveur. Plus les jours passait, plus la pression du Grand Argentier se faisait sentir et il pourrait bien la convoquer le soir même ou le jour du tournoi, ou juste après et lui imposer sa volonté avant qu’elle n’ait eu le temps d’assurer ses arrières. Elle avait peur et si elle tâchait de n’en rien laisser paraître face à Edmund, elle avait le sentiment qu’une épée de Damoclès se balançait au-dessus de sa tête. Elle préférait lui montrer la colère que ce scélérat faisait naître sur elle plutôt que la terreur qu’il lui inspirait à mesure qu’elle se triturait le cerveau pour deviner son prochain coup. A chaque fois qu’elle se disait que La Nera ne la demanderait jamais en mariage, qu’il n’oserait pas sachant qu’elle refuserait et ne se mettrait pas à dos les nobles de bief en forçant une telle union elle se rappelait qu’il avait enfermé son père et marié Talla Tarly à un roturier. Personne n'avait bougé le petit doigt, ni les seigneurs bieffois, ni les membres du conseil restreint, pas même Samwell qui aurait pu demander au Roi ou à sa Main d’intervenir pour empêcher ça. Elle se souvenait du mariage et des visages faussement avenants auxquels avait eu droit Talla, la douce Talla, humiliée et flouée par cette mascarade. Elle avait envie de vomir rien que de s’imaginer à sa place, toutes les dattes avalées remontèrent et elle eut un haut le cœur.


La Hightower comprenait peu à peu qu’elle n’avait pas réussi à le tromper sur les véritables sentiments qu'elle nourrissait à son égard mais que lui était parvenu pendant 2 ans à faire oublier cette affaire à tout le monde. Même elle, elle n’avait pas oublié l'emprisonnement de Baelor, mais cette histoire de mariage lui était passé au dessus depuis longtemps et elle ne s’en inquiétait pas jusqu’à ce que son père lui rappelle. Elle pensait qu’il pouvait tenter de l’humilier et de lui faire du mal officieusement, mais pas officiellement aux yeux de tous, elle pensait que le risque était trop grand, même pour lui. Mais elle commençait à se rendre compte qu’il faisait strictement ce qu’il voulait à la cour et que personne ne semblait lui reprocher ses écarts ni n'osait s'opposer à lui.


A présent tout proche d'elle, elle pouvait sentir l'odeur du prince, un mélange de citron et de sel et son souffle caresser délicatement sa poitrine découverte. Elle eut un léger mouvement de recul, mais le laissa faire néanmoins, priant la jouvencelle intérieurement pour qu’il n’aille pas plus loin. Elle doutait fort que si elle le giflait et partait en claquant la porte, il décide finalement de l’aider. Elle était tétanisée et ses yeux de glace avaient fondu dans les sables du désert, aucune expression sur son visage, seulement ces clavicules qui frémissaient. Ne sachant plus ce qu’elle devait faire, le laisse continuer, hurler, partir, remettre de la distance, elle n’osait ni bouger, ni réagir, ni parler.


Quelle putain d’idée de merde de jouer de tes charmes avec un dornien ! Ils ont des mœurs débauchés et ils s'imaginent certainement que toutes les femmes ont une aussi petite vertue que les leurs !


Il plongea son regard dans le sien et elle ne put même pas détacher ses prunelles azur des billes sombres du Gargalen. Elle sursauta en couinant quand il glissa le pendentif entre ses seins et quand elle recula, elle rencontra le mur qui l'empêchait de prendre ses distances. Alors il demanda à en savoir plus sur son secret et elle resta bouche bée un long moment avant de se souvenir qu’elle préparait ce mensonge depuis des années et qu’il était à présent temps de s’en servir.


Maintenant ! Le Mensonge ! Parles !


Elle ne se souvenait plus. Elle baissa les yeux et glissa sur le côté pour échapper à Edmund, se donnant quelques secondes supplémentaires pour reprendre ses esprits. Elle releva la tête et la secoua de gauche à droite. Le mensonge revenait comme une évidence, présure comme une vérité. Mais ses nerfs mis à mal par le Prince, elle se mit à hurler.

__ C’est ma mère ! Elle me l’a offert quand je suis devenue femme ! Pour me rappeler de garder les cuisses fermées afin que mon pucelage, précieux comme un rubis, ne soit jamais donné que dans la flamme sacrée d’un mariage digne de la flamme de Grand Tour !


Les larmes aux yeux, elle s’enfuit vers la porte, elle avait pris sa décision. Après ça, il ne l’aiderait sûrement pas, mais elle préférait déclencher une guerre qu’elle avait toutes les chances de perdre plutôt que la souillure. Les hommes étaient d'immondes créatures, sauf ses oncles, Aegon et Jonas, se dit-elle en essuyant ses larmes avec rage.