[Près de Fléaufort] Les vérités derrière les masques | Ft Tytos Fléaufort

Trois jours. Ombeline a tenu trois jours à Fléaufort avant de partir à l’assaut de sa liberté retrouvée, enfin, presque. Ici, personne ne sait qui elle est vraiment, à part Duncan qui l’accompagne en tant que chevalier et Meryan, qu’elle a fait quitter son bordel pour qu’elle devienne sa camériste. Personne ne sait qu’elle rêve de longues chevauchées, de nouveaux murs à escalader et de flèches à décocher.

Le voyage lui a fait du bien, à bien des égards, mais cela ne lui suffit pas. Maintenant qu’elle peut sortir sans craindre son oncle, elle souhaite en profiter, sans pour autant s’attirer le dédain de son hôte. Si jamais Tytos Fléaufort décide de la renvoyer à Cendregué à cause de son comportement peu digne d’une dame, elle ne le supportera pas. Elle préférerait encore s’enfuir et essayer de survivre par ses propres moyens.

Elle refuse de vivre un jour de plus en otage pour manipuler son frère. Plutôt mourir.

Ombeline a préparé avec soin son évasion du jour. Habillée des vêtements de son frère et d’un capuchon pour dissimuler ses cheveux, elle a évité Lord Fléaufort en descendant par les murs jusque dans la cour, où elle a sellé elle-même sa jument. Personne n’a vraiment prêté attention à ce qui ressemblait à un écuyer s’occuper d’un cheval, attacher à la selle un carquois et un arc, avant de le monter pour sortir dehors.

Si elle rentre avant le dîner, il est probable que les seules personnes qui s’aperçoivent de sa disparition soient Duncan et Meryan, les deux qui le tairont sans hésiter.

Un rire lui échappe alors qu’Ombeline baisse son capuchon, assez loin de Fléaufort pour que personne ne la voit. Sa jument Mirage piaffe, tout aussi heureuse qu’elle de pouvoir enfin se défouler. Il s’agissait de la jument de sa mère, auparavant, et il n’y avait pas un jour sans qu’elle ne la sorte, alors Mirage a mal vécue son décès et les longs mois où Ombeline s’est recluse dans sa chambre. Treyvir a bien essayé de la monter de temps à autre, mais c’est une jument têtue, qui n’apprécie pas la force avec laquelle son frère tient les rênes.

Ombeline a l’impression de garder un lien avec sa mère et la partie dont elle est originaire en s’occupant de la jument des sables. Puis, ce n’est pas comme si elle avait son propre cheval. Sa mère lui avait assuré que ce serait son cadeau pour son mariage ou ses dix-huit ans. Elle ne pourra pas tenir sa promesse, finalement.

La jeune femme se mord les lèvres pour retenir sa tristesse, avant de se pencher pour flatter l’encolure de son cheval.

— Allez, Mirage, on va trouver un coin sympa pour s’entraîner.

Ombeline finit par trouver une petite mare bordée d’arbres, assez loin de la route pour ne pas être dérangée, sans pourtant trop s’enfoncer dans les terres qu’elle ne connaît pas. Elle attache Mirage à un arbre, caressant son pelage baie quelques secondes, avant de lui enlever sa selle pour que la jument puisse se reposer. Elle récupère son carquois et son arc, avant de s’écarter le plus possible de la petite étendue d’eau.

Elle encoche, vise l’un des arbres, avant de relâcher ; le sifflement lui donne l’impression d’avoir de nouveau cinq ans, quelques dents de lait manquantes alors que sa mère lui mettait son premier arc entre les mains, sous le regard inquiet de son père. La flèche vient se planter dans l’écorce avec un bruit sourd et Ombline l’observe quelques secondes, puis encoche la suivante.

Elle vide son carquois en silence, alors que certaines flèches manquent leur cible. Elle a perdu de ses capacités à cause de sa réclusion. Une chose de plus pour laquelle elle peut haïr son oncle. Un soupir lui échappe, avant qu’elle n’aille récupérer ses flèches.

Au moins, elle a réussi à garder son arc et ce n’était pas gagné. Son oncle a tenté d’enlever de sa chambre tout ce qui ne convenait pas à une jeune femme de bonne famille, mais c’était sans compter que la plupart de ses affaires étaient éparpillées entre la chambre de Treyvir et de Duncan. Sa septa a précédé son oncle là-dessus et Ombeline avait ainsi l’expérience pour le contrer.

Mirage piaffe et gratte le sol ; devant cette agitation, sa cavalière la rejoint pour passer une main sur son encolure, essayant de la rassurer de sa présence. Elle n’est plus habituée à sortir, peut-être qu’Ombeline l’a stressée sans le vouloir.

— Hey, du calme, ma belle. Tu sais bien que mes flèches ne sont pas pour toi. Elles seraient plutôt pour mon oncle. Je rêve de lui en planter une dans le crâne. Mais on aurait su que c’était moi. Il n’y a que moi pour le détester assez et en être capable, à la maison.

Treyvir n’est pas un bon archer. Il maîtrise la lance et l’épée, mais il serait plus prompt à se curer les dents d’une pointe de flèche que de la tirer. Duncan a quelques bases, mais rien qui lui permettrait de monter sur un toit pour assassiner leur oncle d’une flèche dans la cour du château. Il est trop lent à décocher.

Jansen en aurait été capable, mais leur frère aîné n’est plus là pour les protéger, ni même pour voir ce qu’il est advenue de sa famille. Son absence lui pince le cœur et elle pose sa tête contre le pelage de Mirage, qui renâcle et piétine le sol.

— Quoi, Mirage, tu voudrais lui donner un bon coup de sabot ? Il le mériterait, vu ce qu’il a fait à ta maîtresse, plaisante l’archère.

Un frisson d’anxiété lui parcourt cependant la nuque. Mirage est trop nerveuse ; est-ce qu’elle a senti un animal ou une présence humaine ? Ombeline se saisit du manche de son couteau de chasse dans son dos, avant de reculer d’un pas pour observer les alentours.

Elle se fige lorsque ses yeux tombent sur une personne qu’elle ne peut que reconnaître. Son hôte.

— … Lord Fléaufort.

Ombeline n’a aucune explication plausible et féminine à donner.

Pourvu qu’il ne la renvoie pas à Cendregué.