Cela faisait maintenant une semaine que la jeune paysanne était arrivée à Pont-l’Amer. Le plan de Lorent se mettait doucement en place et les blessures de cette dernière commençaient à guérir, même si son âme meurtrie ne risquait pas de trouver le repos de sitôt. Les bandits qu’il avait engagé avaient été tués jusqu’au dernier et même si cela lui avait coûté quelques hommes, cela en valait la peine s’il parvenait à ses fins. Sa fille, Mina, semblait avoir pris la jeune Kalla en affection, surtout depuis qu’elle avait appris ce qui lui était arrivé ou en tout cas, l’histoire qui était raconté à son sujet. Il ne restait plus qu’à gagner la confiance de cette future lame dont il allait se servir pour tuer Bronn, posant ainsi la première pierre de son édifice.

Attablé dans la grande salle, Lorent restait pensif, un verre de vin à la main. Les choses bougeaient à Port-Réal et Bronn ne tarderaient pas à passer en jugement pour sa tentative d’empêcher le mariage de la jeune lady Aelinor. Si les Hightower ne parvenaient pas à obtenir la chute du Paysan de la Nera, son plan serait sans doute le dernier qu’ils leur resteraient. Kalla allait donc devenir l’espoir de tout le Bief, pour peu que tout se déroule comme prévu. Toutefois, parvenir à attiser sa haine et la pousser au meurtre, cela n’était pas une mince à faire. Elle allait déjà devoir apprendre énormément de choses pour devenir une dame de compagnie crédible et ainsi approcher Bronn, mais la motivation de passer à l’acte se devait d’être construit également. C’est donc dans ce but qu’il convoqua la jeune femme dans la grande salle afin d’avoir une discussion avec elle. La dernière fois qu’il lui avait parlé, la brune était totalement prostrée, pas encore remise de sa mésaventure et pas vraiment apte à appréhender ses paroles. Aujourd’hui, il espérait bien grappiller un peu plus de capital confiance et la mettre sur la voie du crime.

Une des servantes se chargea de prévenir la nouvelle venue que le Seigneur souhaitait sa présence dans la grande salle. Elle accompagna la jeune fille jusqu’à Lord Caswell, passant devant les deux gardes qui surveillaient l’entrée sans prononcer le moindre mot. L’antre des Caswell était décoré avec goût, entre les toiles magnifiques dont l’une gigantesque représentant Pont-l’Amer et une autre plus modeste de Lord Caswell et son épouse décédée, il y avait des tapisseries et même des armures et des armes. La table d’honneur était le seule endroit où il était possible de s’asseoir, le mobilier étant rangé en dehors des grandes réceptions. Lors que la servante entra accompagnée de Kalla, Lorent releva la tête et l’accueillit en souriant poliment. D’un geste de la main, il l’invita à s’asseoir à sa table afin qu’ils puissent s’entretenir tous les deux.

« Je te remercie Saria. Sers un verre de vin pour Leyla et ensuite, tu peux disposer. »

La domestique acquiesça et après avoir servi le verre de vin, s’en retourna en cuisine pour poursuivre ses tâches. Lord Caswell tendit son verre en direction de la jeune femme, l’invitant à boire une gorgée afin de se détendre un peu.

« Leyla, j’espère que tu as pu te reposer et regagner des forces depuis la dernière fois. »

Son changement de prénom avait été imposé par Lord Caswell, prétextant la menace qui pourrait peser sur elle et ceux qui l’auraient aidé. En passant de Kalla à Leyla, personne ne pourrait croire qu’il s’agissait en fait de la fille de la famille exterminée une semaine auparavant. Les rumeurs concernant l’attaque sur une petite ferme par des hommes de Bronn de la Nera à la limite du territoire de Pont-l’Amer et Longuetable, avaient fait quelques curieux et pour ceux qui avaient des questions sur le sujet, la seule réponse que donnait Lorent était qu’ils avaient découvert une famille massacrée et qu’ils avaient tué les assaillants, sans donner davantage de détails sur leur origine.

« J’espère que tu t’habitues un peu à ces changements et que tes blessures commencent à guérir. »

Loin du personnage ferme et intransigeant dont il donnait l’impression devant ses hommes, Lord Caswell semblait sincèrement se préoccuper de la santé de son invitée. Bien que cela ne soit finalement que pour voir quand il pourrait la pousser à s’entraîner avec une dague, il avait l’air sincère dans ses paroles et s’était finalement le plus important. Sachant très bien que leur première discussion n’avait pas forcément été particulièrement écoutée, il lui rappela ce qu’il lui avait dit lors de son arrivée à Pont-l’Amer.

« Comme je te l’ai dit la semaine passée, je veux que tu considères Pont-l’Amer comme ton nouveau foyer. Cela me rend fou de rage de ne pas pouvoir trainer le responsable de tout cela devant la justice mais au moins, je pourrais empêcher que la mémoire de ta famille disparaisse en te protégeant. Bronn et sa vermine paieront un jour pour tous leurs méfaits. En attendant, être la dame de compagnie de Mina sera une garantie pour te garder en sécurité. On m’a dit que tu avais eu ton premier cours avec la Septa Clarissa, cela a été ? »

Codage par Magma.

La jeune femme qui se présentait devant lui avait encore bien des choses à apprendre et son anxiété pouvait facilement se voir par ses gestes. En même temps, vu sa condition et la tragédie qu’elle venait de subir, son attitude était parfaitement naturelle. Lorent se devait désormais de la rassurer et surtout de gagner sa confiance afin que tout se passe comme il l’avait prévu. Lorsqu’elle lui parla de son sommeil agité, il pensa immédiatement aux remèdes du mestre qui pourrait certainement aider la jeune femme à récupérer un peu plus vite. Toutefois, était-ce une bonne chose ? En se faisant hanter par ses cauchemars, elle n’en nourrirait que plus de ressentiment envers Bronn. Il décida donc de taire cette possibilité, préférant l’envoyer sur une autre voie.

« Je ne peux qu’imaginer la violences de tes cauchemars. Mon père me disait lorsque j’étais enfant que les cauchemars sont la manifestation de nos peurs et que la seule façon de s’en défaire, est de les affronter et les vaincre dans notre sommeil. Tu as survécu à tout cela. Tu es donc bien plus forte que tu ne le penses. Petit à petit, tu parviendras à les vaincre. Il faut parfois juste commencer par un pas pour franchir une montagne. »

Lord Caswell jouait son rôle de bienfaiteur à merveille. Il baissa les yeux un instant, semblant troublé par les remerciements de la jeune paysanne. Son regard croisa à nouveau le sien, les yeux remplis d’une forme de tristesse feinte.

« Tu n’as pas à me remercier. J’aurai dû arriver plus tôt. Les informations concernant ces hommes me sont parvenus trop tard et ta famille en a payé le prix. »

A voir son visage, le regret semblait sincère et c’était le cas. Toutefois, c’était plutôt pour avoir dû infliger cela à une famille innocente simplement pour éliminer Bronn. Vu les sacrifices réalisés, il n’était plus possible de revenir en arrière et ce plan se devait de réussir. Leyla semblait particulièrement gênée de son nouveau statut qui était bien loin de la simple fille de paysan qu’elle avait connu toute sa vie. Désormais, que cela soit les servantes ou même les gardes, tout le monde la traitait avec respect et pour cause, Lorent avait fait courir le bruit qu’il s’agissait de la fille d’un vieil ami qui avait connu une catastrophe. En dehors de quelques hommes triés sur le volet et dont la loyauté ne pourrait être remise en cause, tous les autres étaient ignorants du véritable statut de la jeune brune. Elle était donc désormais une jeune lady.

La soif de vengeance commença à pointer le bout de son nez dans le discours de Leyla et le Seigneur de Pont-l’Amer ne pouvait que l’encourager avec prudence.

« Pour le moment, Bronn de la Nera est le Gouverneur du Bief. Il est soutenu par le Conseil restreint de la Couronne et en fait même partie. Même s’il venait à tuer ma propre fille, j’aurais énormément de difficulté à ce que justice soit rendue sans lui couper la tête moi-même. Pour le moment, la meilleure chose à faire est de te cacher. J’espère qu’un jour, nous parviendrons à rendre justice pour ta famille. »

Lentement mais sûrement, il allait falloir lui mettre en tête que le seul moyen pour que Bronn paie, ce serait de le tuer elle-même. Pour cela, Lorent ne manquerait pas de lui donner toutes les opportunités nécessaires et les compétences. Du rapport qu’il avait eu de la Septa, il était évident que la jeune fille n’était pas très instruite mais bon, il ne fallait pas s’attendre à grand-chose d’une fille de paysan à ce niveau. Le principal était finalement qu’elle y mettait de la volonté et que dans quelques lunes, elle ferait illusion. Après un sourire aimable suite à ses paroles, Lord Caswell la rassura à nouveau.

« Ne t’en fais pas pour cela. Septa Clarissa m’a dit que tu faisais beaucoup d’efforts et c’est tout ce qui compte. Ce changement est nécessaire pour garantir ta sécurité. De plus, je demanderai à mon oncle que tu participes à ses cours de maniement de la dague avec mes filles quand tu seras guérie. Cela te permettra d’apprendre à te défendre afin qu’une telle tragédie n’arrive plus. Si tu veux me remercier, tu as juste à guérir et à rester forte. Je suis certain que Mina pense la même chose. »

Lord Caswell reprit une gorgée de vin avant de passer à la suite de la discussion. Il fallait bien que la jeune femme comprenne l’importance de cacher son identité. Les oreilles étaient partout et il était indispensable que son secret ne s’ébruite pas, surtout dans l’intérêt des Caswell lorsque sa besogne sera accomplie.

« Dans ce château, très peu sont au courant de tes origines et je souhaite que cela reste ainsi. Il en va de notre sécurité à tous. Je ne peux pas être sûr que des oreilles à la solde de Bronn n’arpentent pas ces couloirs. Par conséquent, si tu veux parler de ton passé, tu peux le faire seulement auprès de Septa Clarissa, du mestre, du Maître d’armes, de Mina ou de moi. C’est très important. Les autres pensent juste que tu es la fille d’un vieil ami qui a été agressée. Je comprends que cela soit compliqué de gérer tout cela, mais cette histoire est la seule chose qui nous évitera des problèmes. »

Codage par Magma.

Leyla ne semblait pas convaincue par les propos de Lorent sur la peur et les rêves, ce qui était assez normal pour une personne ayant vécu un tel traumatisme. Rien n’était plus mystérieux que les rêves et bien souvent, ils n’étaient que le reflet de nos craintes les plus enfuies. Parfois même celles que nous ne voulons pas accepter ou affronter dans la réalité. Quoi qu’il en soit, le Seigneur de Pont-l’Amer ne pouvait qu’encourager la jeune femme à les affronter, non pas pour qu’elle retrouve un sommeil paisible, mais bien pour qu’une fois devant Bronn, elle ne se fige pas et plante sa dague dans sa gorge.

« Il est tout à fait possible d’y arriver. Ca prend du temps et tu constateras par toi-même que ton cauchemar changera petit à petit au fur et à mesure que tu te reconstruiras. Tu es en sécurité ici, il faut juste que tu parviennes à l’accepter pour avoir moins peur. Il faut juste être patiente et ne pas hésiter si on peut t’aider à te sentir plus à l’aise. »

Vu les propos tenus par la jeune paysanne, Lorent parvenait doucement à gagner sa confiance et c’était le plus important. Dans quelques lunes, il ne restera plus qu’une colère sourde à l’égard de Bronn et ses hommes dans son cœur. A ce moment, une lame et une opportunité suffiront amplement à l’évacuer une bonne fois pour toute et libérer le Bief de ce bouseux.

Lord Caswell ne put s’empêcher de jubiler intérieurement lorsqu’elle lui posa la question de la justice. C’était exactement à cette idée qu’il voulait en venir et surtout, lui insuffler à l’esprit. On ne peut que se faire vengeance soi-même, sans attendre qu’un autre prenne l’épée à sa place. Il suffisait maintenant de continuer à cultiver cette idée.

« Je vais t’avouer que je ne sais pas ce qu’il convient de faire. Certains hommes ne seront jamais inquiétés par autre chose qu’une lame sous la gorge. Quand ma femme a été tuée par Cersei Lannister, au lieu d’être punie, cette dernière est devenue Reine des Sept Couronnes … Je crains que lorsqu’il s’agit de la Couronne et de ceux qui y gravitent, il ne faut pas s’attendre à grand-chose malheureusement. »

Le souvenir de sa défunte épouse ne manqua pas de faire remonter une amertume et une colère enfouies au plus profond du cœur de Lorent. Serrant le poing en fixant quelques secondes le portrait de sa femme et lui accroché dans la grande salle, il se finit par se ressaisir en buvant une gorgée de vin.

La discussion sur les nombreux apprentissages qu’il restait à acquérir pour Leyla fut assez positive. En effet, elle ne manquait pas de volonté et si cela continuait comme ça, elle pourrait certainement commencer à faire illusion dans quelques lunes. Sa volonté de protéger Mina était également très positive et en tant que père, Lorent ne put que l’en remercier.

« Je suis certain que tu y arriveras. Tu es une jeune femme courageuse. Je te remercie de te soucier de ma fille. Je m’assurerai toutefois que vous ayez toujours un ou deux gardes afin d’éviter que vous soyez en danger. Si en plus vous savez manier une dague toutes les deux, mon cœur n’en sera qu’apaiser davantage. »

Les fondations de l’affutage de sa lame étaient désormais bien en place. Il ne restait qu’à la rendre aussi tranchante que possible afin de trancher net la pourriture qui gangrenait le Bief depuis trop longtemps.

« Bronn de la Nera est certainement une grande menace. Il doit ignorer totalement qu’un témoin de ce qu’a fait ses hommes a survécu. S’il venait à l’apprendre, il ferait tout pour te tuer afin de continuer à nier l’évidence. Il y a de fortes chances qu’il m’envoie bientôt une missive mais bon, tu n’as pas à t’inquiéter, je vais gérer tout cela pour que tu restes en sécurité. En ce qui concerne ta famille, mes hommes ont fait le nécessaire pour qu’ils soient enterrés dignement. Ils ont creusé des tombes aux abords de la ferme pour que tu puisses lorsque cela sera possible, aller prier dessus. Ce n’est pas grand-chose mais au moins, l’Etranger les mènera à l’autre monde. »

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Lorsque la jeune Leyla lui présenta ses condoléances pour son épouse, Lorent inclina légèrement la tête en guise de remerciement. Il était assez paradoxale que la jeune femme celui qui avait fait tuer sa famille par pure ambition personnelle mais bon, elle ne soupçonnait pas le genre de personne qu’elle avait en face d’elle.

« Malheureusement, les relations et les alliances sont souvent des armes puissantes contre ses ennemis. Bronn a habilement joué son jeu afin de se retrouver au cœur du pouvoir. En aidant Tyrion Lannister, avant de rejoindre le camp de la Reine Cersei, il a réussi à gagner sur tous les tableaux, quelque soit le vainqueur. Et maintenant, ce sont des personnes innocentes comme ta famille et toi qui en payez le prix. Mon père m’a toujours répété, Noblesse oblige. Un Noble se doit de faire honneur à son rang. Il a la responsabilité des personnes vivants sur ses terres et se doit de les protéger. Malheureusement, Bronn n’a point d’honneur et se moque totalement des personnes vivants sous son autorité. »

Qu’il était facile de stigmatiser le paysan, rendant la noblesse presque irréprochable malgré les nombreux abus ayant eu lieu dans le passé. Après, il est vrai que les Caswell ont toujours traité leurs paysans avec respect, s’assurant de la prospérité des fermes et également qu’ils pouvaient manger à leur faim. Son discours devait donc sonner assez juste dans sa bouche.

La discussion continua et il remercia la jeune servante pour son dévouement envers sa fille. Si elle s’imaginait la protéger, cela serait peut-être encore plus facile de la pousser à l’acte. Cela ne se ferait pas en quelques semaines mais bon, il avait le temps nécessaire pour pervertir son esprit et accrocher une cible dans le dos de Bronn.

Sa dernière question était assez pertinente d’autant plus que pour Bronn, aucun de ses hommes ne manquait à l’appel. Les rumeurs circulant sur l’incident ne faisaient donc pas mention de la mort des hommes de Bronn, juste du carnage qu’ils auraient commis sur leur passage. La seule qui avait eu la preuve de leur mort était finalement Leyla en voyant la tête du chef de ses assaillants ramené par Lord Caswell.

« Pour tout te dire, il va certainement l’apprendre et je vais même lui envoyer moi-même une missive pour le lui dire. Cela ne ferait que plus suspect si je taisais la chose. Je vais lui dire que certains de ses hommes ont commis des exactions et qu’ils ont été punis en conséquence. Il me faudra assumer les éventuelles sanctions qu’il décidera de m’imposer. »

Lorent prit un air plus solennel juste après avoir soupiré doucement. Il plongea son regard dans les yeux de Leyla, comme pour lui montrer toute sa détermination.

« Je veux que tu me promettes une chose. Si Bronn et ses hommes viennent un jour ici pour réclamer ma tête. Je veux que tu restes au côté de Mina et Melessa pour les protéger et les soutenir. Je n’ai pas peur d’assumer mes actions, même face à un châtiment injuste du moment que mes filles sont saines et sauves. »

Il fallait distiller l’intention de sacrifice doucement et il valait sans doute mieux commencer dans ce sens. En faisant croire que Bronn représentait une menace bien réelle sur ceux qui l’avaient recueilli après le massacre, il espérait bien insuffler un désir ardent de protection, quitte à sacrifier sa propre vie. Quoi qu’il en soit, Lorent termina sa coupe de vin et remercia Leyla pour son attention et son temps.

« Je sais que tu as encore beaucoup à faire et tu dois également te reposer. Je ne vais donc pas te retenir plus longtemps. N’hésite surtout pas si tu as besoin de parler. »

Codage par Magma.