Certaines légendes sont vraies | Bronn

Fallon était partie chasser dans la Forêt Hantée, elle ramenait le gibier quand elle aperçut des traces de fer à cheval sur un sentier. Des étrangers au Nord du Mur, un petit groupe à cheval, six ou sept avec des chevaux ferrés. Cela l’intrigua et ainsi, au lieu de déposer ses lapins au village elle partit aussitôt à la recherche des voyageurs. Elle n’eut aucun mal à suivre les traces et s’approcha discrètement de la troupe. En bonne éclaireuse, elle n’était pas facile à repérer, surtout avec le bruit que faisaient montures et cavaliers, vraiment pas discrets tandis qu’elle savait marcher en silence et rester à couvert presque aussi bien qu’un loup. Des hommes et des femmes, dont au moins un armé d’acier. Tant les équidés que les armes et les armures montraient qu'ils n'étaient pas d’ici, pas du vrai nord, pas du peuple libre. Elle en était déjà certaine en voyant les traces de fer, elle en avait déjà vu, les Corbeaux laissaient parfois ce genre de traces et sa mère lui avait expliqué ce que c’était. Ils mettaient des sortes de chaussures en fer aux chevaux. Déjà monter sur le dos d’un canasson c'était un peu étrange, ils allaient un peu plus vite, certes, mais ils étaient surtout bons à porter des charges ou à être mangés selon la sauvageonne. Mais alors leur mettre des chaussures, c’était carrément incompréhensible. Enfin, ça n’était pas la question. La question était plutôt qu'est-ce qu’ils pouvaient bien faire dans le coin. C’est donc avec une circonspecte curiosité qu’elle les suivit furtivement un moment pour voir où ils allaient pour voir ce qu’ils faisaient et de qui ils parlaient.

Ils firent halte pour la nuit, installèrent leur campement et la jeune femme n’ayant toujours pas apprit où ils se rendaient se mit en tête de continuer à les suivre et de fouiller leur camp dans la nuit. Elle profita du fait que chacun vaque à ses occupations après avoir mit pied à terre pour déposer deux de ses lapins vidés et prêts à être écorchés près des chevaux pour leur dîner. Ils n’avaient laisser aucune trace de chasse, ils ne devaient donc pas avoir grand chose à manger et elle avait pitié d’eux. De toute façon, elle ne pourrait pas faire cuir ses prises sans se faire repérer et il fallait les manger rapidement. Puis elle trouva une cachette dans et attendit qu’ils s’endorment. Hélas, le sommeil la gagna également et elle s'endormit profondément enroulée dans la fourrure d’un ours. Si elle était suffisamment bien cachée pour pouvoir dormir en paix, c’était sans compter sur un rêve de loup. Son esprit survola les bois jusqu’à celui de la louve d’une meute qui vivait dans les parages, les loups étaient en plein chasse et Fallon profondément plonger dans son rêve commença à s’agiter. Elle contourna un groupe de biches qui cherchait un endroit tranquille pour la nuit et se déplaçait contre le vent pour ne pas éveiller leurs soupçons. Lentement, très lentement, elle et les autres loups encerclèrent leurs proies. Puis elle bondit sur les biches qui se levèrent et s’enfuirent paniquées. Mais de l’autre côté, d’autres loups attendaient et ils attaquèrent à leur tour, jetant à terre un des animaux et le tuant rapidement. La louve s’approcha et grogna sur un de ses compagnons qui commençait à se servir avant les autres. Alors, Fallon grogna elle aussi, elle se lécha les babines et appela le reste de la meute pour le repas.

__ Ahouuuuuuuuuuuuu !

Fit la brune dans son sommeil avant de se réveiller en sursaut à cause de son propre cri. Elle se retrouva nez à nez avec une lame en acier et remonta jusqu’à la main qui la tenait  avant de s’arrêter sur son visage plongé dans la pénombre. Elle leva les mains sans tenter d'attraper son arc et ses flèches, se demandant si elle aurait le temps de prendre son couteau à sa ceinture avant que le fer forgé n'entame son cou. Dans la panique elle jura et se mélangea un peu dans les langues.

__ Ach lich. Coineanach… Lapins, lapins…

Lorsque Bronn approcha lentement la main d’elle, Fallon recula tant bien que mal, mais, à terre, et emmitouflée dans la large fourrure brune, elle ne put pas aller bien loin. Il parvint donc à se saisir du carquois et elle eut beau se débattre et tenter de le garder, aussi inutile fut-il, il le jeta plus loin. Elle était consciente que si le type d’en face savait un tant soit peu manier le couteau qu’il pointait sur son visage, ou pire, l’épée qu’il portrait au côté, elle était dans une sacrée merde, trop loin désormais de ses flèches pour se servir de son arme de prédilection, son arc.

Aux mots du mercenaire, elle hocha la tête, surprise par les intentions qu’il lui prêtait. Elle grogna et secoua la tête pour chasser la mèche de cheveux enroulée dans la laine qui lui barrait le visage.

__ Vous pas trouver lapins ? Moi donner vous à manger, pourquoi vous tuer ensuite ?

Fit-elle un peu vexée qu’il la prenne pour une cannibale. Certes certaines tribus mangeaient de la chair humaine, mais elles étaient rares et la plupart des autres tribus les exécrait. Cela confirmait, si c’était nécessaire, que l’homme n’était pas d’ici.

__ Moi manger seulement animaux. Pas hommes. Mais vous pas peuple libre, alors moi vouloir savoir où aller vous. Rare croiser des gens du sud ici. Vous perdu ?

Lentement, elle fit tomber la fourrure d’ours de ses épaules révélant un bustier de cuir vert un serre taille marron et d’une courte veste marron doublée de fourrure fauve avec une capuche que retenait une boucle. Son pantalon, marron lui aussi était en laine avec des pièces de cuir et des lacets sur les hanches, à ses pieds, une paire de bottes sombre tenue par des bandes de laine brunes. Elle se leva, les mains toujours en vue.

__ Moi bien connaître la Forêt Hantée, moi pouvoir vous guider si vous perdu.

Elle essaya de sourire, espérant que cette proposition dissuaderait l’homme de la tuer, mais elle n'était toujours pas très rassurée. Seulement au moins, debout, elle pouvait fuir, elle était rapide et de nuit sur un terrain aussi accidenté, probablement plus agile que lui. La brune calculait ses chances, pesait ses options son cœur s'accélérer et elle non plus ne le lâchait pas du regard.

Fallon regarda Bronn, étonnée. Elle avait pourtant bien mis les lapins en évidence près du campement, exprès pour qu'ils les trouvent. Pour s'assurer qu'elle avait bien compris ce qu’elle avait compris, à savoir qu il ne les avaient pas trouvés, elle demanda :

__ Je vous les ai donnés, vous les avez pas trouvés ?

Bronn la saisit par le poignet, cette fois c'en était trop, elle proposait son aide et il la traitait pire qu’un cheval récalcitrant. Ne comprenant pas pourquoi l'homme faisait preuve de tant de violence Fallon se débattit de toutes ses forces (1). Elle n'était pas tellement habituée à un tel traitement et surtout pas du tout prête à se laisser malmener ainsi. Elle lui mordit la main (2) afin de le faire lâcher prise. Puis elle tenta un bon coup de pied dans le tibia (3) pour lui signifier qu'elle n’était pas une petite chose fragile dont il pouvait faire ce qu'il voulait. Elle était la fille de Morna masque blanc après tout, sensée devenir une sorcière guerrière comme sa mère. Cette dernière avait beau penser, non sans raison, que Fallon ne serait jamais aussi forte qu'elle, elle savait se défendre et n’aimait ni le ton ni les manières ni les menaces du sudien alors qu'elle faisait preuve de gentillesse. C’était bien les hommes ça, et qui plus est ceux du sud du mur, tellement peu sûrs d’eux et tellement habitués à verser le sang pour tout et rien qu’ils usaient de violence sans raison.

__ Moi guider vous, mais si vous lever la main sur moi encore une fois, moi partir !

Grogna-t-elle passablement énervée, même si la vue du poignard en acier entre les mains du mercenaire ne lui disait rien qui vaille. Elle hésitait à sortir le sien, préférant le garder secret étant donné qu'il l’avait dangereusement démunie de son arc.

__ Connerie ?

Fit elle en hochant la tête, dubitative, ne comprenant ni le mot ni ce que cet homme voulait dire.