[Route de la rose] La chaleur d’une auberge | Desmera

Cela faisait déjà plusieurs semaines que les Hightower accompagnés de Desmera et de quelques-uns de ses hommes arpentaient la route de la Rose qui traversait le Bief pour se rendre au tournoi de Port-Real en l’honneur de la reconstruction du Donjon Rouge. Le convoi avait pris du retard ces derniers jours à cause d'une météo exécrable et il devenait difficile de monter et démonter le camp tout en restant au sec, même pour les honorables membres de la famille.


L’air se rafraichissait, la nuit approchant et le convoi n'était pas arrivé à l'endroit prévu pour passer la nuit. Une auberge prévenue depuis longtemps de la halte des Seigneurs de Villevieille chez eux. La colonne força l’allure secouant ces dames dans le carrosse rebondissant sur la route inégale. A ce niveau, les hommes à cheval étaient mieux lotis, mais ils étaient trempés alors qu’au moins les femmes restaient au sec. Des éclaireurs furent envoyés en avant pour sécuriser la route, prévenir du retard et s’assurer que l’Auberge ne prendrait aucun autre client pour la nuit. Ils attendaient l’arrivée de l’imposante escorte lorsque le carrosses s’arrêta devant une grande auberge éclairée de l'intérieur. Le crépuscule était bien avancé et les chouettes donnaient de la voix dans le brumeux clair obscure.


Baelor et Humfrey mirent pied à terre et entrèrent accompagnés de quelques gardes, tout était en ordre et sur le signal du chevalier blanc, un autre soldat ouvrit le carrosse. Rhonda Denyse et Aelinor battirent leurs capuches sur leurs têtes et se précipitèrent à l'intérieur. Cette courte traversée sous une pluie battante suffit à donner des frissons à la brune aux yeux azur. Mais la chaleur qui émanait de la grande cheminée qui trônait au centre de la grande salle à l'intérieur de l’établissement et les bonnes odeurs de viande rôtie et de bouillon de légumes firent pousser un soupire de soulagement à Aelinor ravie d’être au sec pour la nuit. Les suivantes ne tardèrent pas à les rejoindre et ce fut également le cas de la plupart des hommes des Hightower qui eurent ainsi le droit de s'asseoir dans l’auberge. Une partie restait dehors pour monter la garde sous la pluie et une autre partie irait dans les écuries car l’auberge était trop petite pour accueillir tout le monde. Quant à Humfrey, en tant que capitaine, il ressorti pour organiser les tours de garde durant la nuit le passage pour le repas et voir comment ses soldats seraient installés. Chacun pourrait profiter du feu, d'un bon repas chaud et de quelques heures de sommeil au chaud et au sec.


Des tables avaient été préparées, avec simplicité, mais élégance, tout comme le repas. Autour de la table la plus proche de la cheminée, des chaises confortables avaient été disposées. Officiers et soldats se contenteraient de chaises de paille ou de bancs. Des servantes de l'auberge, aidées par les domestiques de la maisonnée, prirent les manteaux et les capes humides et indiquèrent leurs tables aux hôtes. Tout le monde s'installa sans grande formalité et Aelinor réserva la place à côté d'elle à Desmera. Les voyageurs exténués parlaient peu et à voix basse et le silence se fit total quand le potage fut servi. Seuls quelques shlurps venaient ponctuer les bruits de cuillère tandis que le breuvage chaud et parfumé réchauffait les corps et les cœurs.


Pour l'occasion, l'auberge avait fait appel à quelques musiciens qui accompagnaient un barde et à des saltimbanques qui entrèrent bientôt en scène pour animer le repas et redonner le sourire aux habitants de grand tour rendus bien taciturnes par la pluie et le froid.

La pluie ralentissait la colonne si bien que la Hightower avait l’impression de ne pas avancer. Mais ils n’avaient pas le choix, ils ne pouvaient pas s’arrêter jusqu’à ce que l’averse passe et encore moins plusieurs jours pour attendre que les intempéries laissent place au soleil. Ils n’avaient pas le temps de faire de longues pauses avant de rejoindre Port-Real, il serait dommage d'arriver après le Tournoi et les aléas du voyage les obligeaient à ne pas traîner en route. La brune aux yeux azur passait le temps comme elle pouvait en discutant avec la Redwyne, sa mère et ses tantes, elle lisait également, tandis que Denyse faisait de la broderie, se piquant régulièrement les doigts lorsqu'une roue passait dans une ornière. Impossible, avec le chaos de la route, de faire la moindre partie de cyvosse et après tout ce temps, l’ennui devenait parfois palpable. La pluie n’arrangeait rien, bien sûr, à l’ambiance morne qui régnait sur la colonne. Clairement, même si tout le monde était fatigué, la vue de l’auberge et la perspective d’une soirée dans la chaleur de l’accueillant établissement remit du baume au cœur à tout le monde.


Aelinor n’avait pas s'assurer que les hommes de son père, sous le commandement de son oncle, secondé par le capitaine de la garde argentée, auraient tous de quoi manger et pourraient dormir au sec et se changer. Mais elle était confiante, l’avantage de disposer d’autant d’hommes c’est que les tours de garde de la nuit pouvaient être réparties et elle était certaine que l’auberge avait été prévenue du grand nombre de bouches à nourrir. Elle n’enviait pas pour autant ceux qui monteraient la garde sous la pluie cette nuit et était bien heureuse de pouvoir manger et dormir au sec ainsi que d’avoir l‘occasion de faire sécher ses affaires. Avant de s’installer, elle réchauffa quelques instants ses mains devant l’âtre rougeoyant, mais même une fois assise, la table était assez proche pour que chaleur qui s’en dégageait soit agréable, peut-être même un peu forte, si bien que le rouge lui monta vite aux joues. Elle but le potage en silence, comme tout le monde, savourant le breuvage, le réconfort qu’il procurait et le repos bien mérité après avoir été secouée dans tous les sens par la route.

__ Tu as raison, c’est exactement ce qu’il nous fallait.


Répondit Aelinor quand Desmera lui dit que rien ne valait un bon potage.

__ Ne t’inquiètes pas, il auront aussi du potage et des lits douillets pour cette nuit.


C’est alors que la Redwyne proposa à la Hightower de danser avec elle. La pièce était pleine de soldats, mais ce n’étaient pas là les hommes avec qui les Dames pouvaient danser. Baelor ne semblait pas disposer à s’agiter, et finalement, si les deux jouvencelles voulaient profiter de la musique, c’”tait certainement la meilleure solution.

__ Avec plaisir !


Se levant, elle s’inclina et tendit un main à la rouquine avant de dire, avec un sourire amusé :

__ M’accorderez vous cette danse Dame Redwyne ?

Danser avec une femme ne posait en réalité aucun problème à Aelinor, aussi elle accepta sans hésiter. Après tout c’était bien avec sa mère et ses tantes qu’elle avait appris à danser étant petite. De plus il n’était pas rare que dans les rondes, les femmes dansent entre elles et quand la famille faisait la fête, si les hommes venaient à manquer pour danser, il y avait toujours une tante de disponible et la brune aux yeux céruléens ne se privait pas de danser sous prétexte de n’avoir pas un oncle sous la main. Or, elle préférait danser avec une femme qu’avec un homme de rang trop inférieur, dont la plupart, d’ailleurs ne savaient pas danser. Il était de toute façon hors de question qu’un quelconque soldat la touche, seuls ses gardes étaient autorisés à lui proposer leur main pour descendre et monter du carrosse et ils devaient s'incliner et certainement pas la regarder dans les yeux comme le ferait un noble jouvenceau dansant avec une demoiselle de haute naissance. Elles mirent cependant les mêmes formes que pour une véritable invitation et s’en amusèrent beaucoup sans remarquer les regards envieux de quelques soldats posés sur elles. Baelor, lui, les vit, et il fixa les quelques hommes qui osaient lever leur nez du potage pour les ramener à la dure réalité : ils ne pouvaient même pas espérer une danse avec les deux jouvencelles, encore moins convoiter d’avantage.


Le seul souci qui se posait dans cette danse improvisée était effectivement de connaître les pas du cavalier, chose que, visiblement, ni Aelinor ni Desmera, qui prit cette place, ne maîtrisaient parfaitement. Mais chacune fit de son mieux tout en riant car c'était chose amusante que d’inverser les rôles. La Hightower faisait son possible pour suivre en essayant de ne pas marcher sur les pieds de la Redwyne lors de ses petites hésitations quand elle donnait la cadence. La jouvencelle rit de plus belle quand la rousse jouvencelle dit qu’elle prendrait le rôle du cavalier à son mariage.

__ Cela risque d’être difficile à faire avaler à ton époux qui va devoir apprendre les pas des femmes. Autant nous, nous pouvons danser entre nous quitte à faire dévier certains regards, autant les hommes ne dansent jamais entre eux. Et je ne parierais pas sur l’état de tes pieds après ça.


elle rit. Tout le monde se fichait bien que les deux jeunes femmes dansent ensemble, personne ne les regardaient de travers, enfin si, mais pour d’autres raisons qui n’échappèrent pas à la brune. Elle ignorait ce qui pouvait bien poser tant de problème aux hommes dans le fait de danser avec l’un de leur congénère. Cela se voyait que certains voulaient danser malgré les efforts de son père pour détourner leur attention. Elle se dit qu’il ferait mieux de s’exercer plutôt que de rester assis à regarder ses dames, ou en l’occurrence leur soupe. Haussant les épaules, elle reposa ses yeux sur Desmera et continua à virevolter. Elles ne furent bientôt plus les seules, car la mère et les tantes d’Aelinor les rejoignirent sur la piste. A ce moment-là, même le gouverneur de Villevieille n’avait plus le pouvoir d'empêcher ses soldats de se rincer l'œil, mais après tout, les gardes de Grand Tour avaient bien le droit à ce petit plaisir après des jours de marche sous la pluie. Les musiciens, contents de voir qu’ils ne jouaient pas pour des prunes, enchaînaient des airs pour danser avec grand enthousiasme.


Aelinor retira son pied juste à temps pour que Desmera ne l’écrase pas et pouffa avec son amie. La musique s’arrêta et elle fit une gracieuse révérence, toujours amusée. Elle proposa alors de prendre le rôle du cavalier, normalement elle connaissait les pas, peut-être dirigerait-elle mieux que la rouquine, ou peut-être pas. En tout cas, c'était toujours aussi drôle.

Aucun homme de la garde de Grand Tour n’aurait osé convoiter Desmera, tous savaient qu’ils n'avaient pas le rang adéquat pour épouser une Dame de la Treille. De plus, la cour que lui faisait Humfrey depuis leur rencontre n’était pas passée inaperçue et la rumeur s’était répandue comme un trainée de poudre. Or on seulement ses soldats étaient sous les ordres du grand blond et le respectaient trop pour tenter de séduire celle qui avait touché son coeur, mais ils étaient conscients qu’ils ne feraient pas le poids face au chevalier blanc, ils n’avient ni alliance ni fortune ni famille Hightower à offrir à la Redwyne. Le jeune homme allait certes devoir renoncer à son nom et à ses couleurs, mais il gagnait bien plus que ce qu’il aurait pu espérer en tant que cadet d'une famille nombreuse. La brune aux yeux céruléens eut toutes les peines à tenir le rythme alors que la rouquine la faisait rire en lui faisant remarquer cet état de fait. Mais à la remarque suivante Aelinor éclata pour de bon d’un rire cristallin, imaginer Humfrey subir le cours rigoureux de sa grand soeur pour se préparer à tenir le rôle de jouvencelle le jour de son mariage était tout simplement hilarant.


La Hightower prit le rôle du cavalier pour cette deuxième danse et, tout comme son amie, elle eut du mal à conduire la danse pendant les premiers instants, manquant de marcher sur les pieds de Desmera et de bousculer sa tante. Mais à mesure que les musiciens jouaient, elle prit le pli et emmena la Redwyne dans une farandole endiablée. Il était vrai qu’après une journée à subir le mauvais temps assise dans un carrosse brinquebalant, cela faisait un bien fou de se défouler un peu et le regard furieux du vieux soldat qui trouvait peut-être cela déplacé de voir des femmes danser entre elles n’y changerait rien. Aelinor s’en donnait à cœur joie.

__ Grand bien lui fasse. il peut sortir si cela ne lui plait pas. Qu’il aille donc se rafraîchir les idées sous la pluie plutôt que de gâcher la fête.


Répondit la jouvencelle suffisamment fort pour que l’homme entende. Il détourna immédiatement les yeux, n'appréciant pas plus le spectacle que l’instant d'avant, mais prenant soudainement conscience qu’il regardait la fille de son seigneur et une autre Dame de haut rang de travers, ce qui en soi était déplacé et que la brune pourrait bien mettre sa menace à exécution. Or il faisait bien meilleur à l'intérieur et il était chanceux d’être parmi les hommes qui mangeaient au premier service et profitait de la chaleur du feu, bien au sec. Pour ce petit confort, il était prêt à ravaler son fiel et à faire fi de ses valeurs. Il jeta un œil à Baelor qui, lui, n'avait rien remarqué, fort heureusement.


Encouragées par Sarah, les servantes et les suivantes regardèrent les soldats, qui avec un regard malicieux, qui en papillonnant des yeux, attendant qu’un cavalier se décide à les inviter pour danser à leur tour. Mais Sarah, elle s’avança vers l’un des jeunes hommes de l’escorte et celui-ci sursauta presque lorsqu’elle l’invita à danser. Le rouge lui monta aux joues et ses acolytes se mirent à rire du fait qu’il n’ait pas osé le faire avant et à siffler pour l’encourager à accepter. Il accepta donc en bafouillant et se leva, mettant plusieurs secondes pour se remettre de ses émotions et poser sa main sur la taille de la camériste.

__ Pour sûr, si nous nous occupions des demandes en mariage comme nous l’entendions, les choses iraient bon train.


Les hommes ne savaient le plus souvent pas ce qu’ils voulaient, heureusement, les pères et les mères, la plupart du temps décidaient pour les jouvenceaux comme ils décidaient pour les jouvencelles, cela évitait que des années précieuses s'écoulent avant que la moindre union de soit prononcée. D’ailleurs Aegon ne lui avait pas écrit dernièrement. Allait-il bien ?

Aelinor se doutait bien que Desmera était capable de chevaucher en pantalon, elle en était pour sa part incapable. La Redwyne avait effectivement un rôle étrange qu’Aelinor n’aurait jamais. Il faudrait que la guerre lui arrache toute sa famille pour qu’elle hérite de Villevieille et cela, elle ne voulait pas le concevoir, même si c’était arrivé à son amie. Il y avait plus de chances qu’elle y passe aussi d’ailleurs, puisqu'elle en serait certainement l’instigatrice s’il fallait en arriver là. Elle savait que son destin était d'épouser une autre maison et de la servir avec autant de ferveur qu’elle servait la sienne pour le moment. Pour autant, elle n’était pas entièrement d’accord avec la rousse jouvencelle sur la manière d’assumer cette position, cette dernière ferait bien comme elle l’entendait, mais la brune aux yeux azur ne put s'empêcher de lui donner le fond de sa pensée.

__ Tu n'es pas obligée de te travestir pour autant, tu sais. Nous les femmes savons parfaitement porter la culotte sans que personne ne le remarque et en un sens, je pense que cela fait notre force. Les robes nous donnent un pouvoir que les hommes n’auront jamais.


La séduction était une arme puissante, tout comme les larmes ou le fait de faire mine de se soumettre pour arriver à ses fins. la Hightower en usait allègrement et elle adorait le sentiment de puissance que cela lui conférait. Les hommes, s’ils pouvaient séduire, ne pouvaient pas le faire pour gouverner, ils devaient se montrer braves et inflexibles, c’était seulement comme ça qu’ils obtenaient le respect. Aelinor doutait que Desmera soit aussi rodée qu’elle en manipulation, elle était charmante, mais d’une toute autre manière. La rouquine ne deviendrait pas pour autant un homme et elle devrait trouver l’équilibre entre son sexe et son titre, cela n’avait rien de facile, mais cela ne pourrait être que bénéfique pour elle comme pour ses gens.

__ Il peut penser ce qu’il veut, c’est un fait, tu es la Seigneure de La Treille. Ils seront nombreux les hommes qui testeront ta position, nombreux aussi ceux qui voudront essayer d’en abuser. Tu vas peut-être devoir t’endurcire, mais n’oublies pas pour autant que tu es bel et bien une femme et que tu n’as pas à t’abaisser à devenir comme eux. Tu vaux mieux que ça. Nous valons mieux que ça.


Répondit la jeune femme en souriant à son amie. Si sa manoeuvre pour la rapprocher d’Humfrey n'était pas totalement désintéressée, elle n’en était pas moins sincère, tout comme l’était Baelor, dans sa volonté de protéger Desmera des vils profiteurs et de lui offrit un appui non négligeable qui en dissuaderait plus d’un de tenter de prendre possession de La Treille. L’avantage de son île était qu’elle était trop isolée et inaccessible sans bateau, cela lui avait certainement permis d’éviter d’être envahie par un voisin trop gourmand dans les premiers mois de son règne. Mais seule, elle n’était à l'abri de rien.

__ Regarde moi ça, tu rebats déjà les cartes de la féminité.


Fit remarquer Aelinor en voyant sa propre camériste prendre l'initiative après que celle de la Redwyne eut choisi un cavalier. Elle sourit en hochant la tête.

__ Et pourtant nous ne sommes pas en pantalon.


Dit-elle avec un clin d'œil, car c’était, là, exactement ce dont elle parlait quelques minutes plus tôt. Elles avaient le pouvoir de bousculer les codes et de changer les choses, mais sans oublier d’être des femmes parce que c’était ce qu’elles étaient. Elles n'avaient pas besoin de devenir des hommes pour tenir le rôle qui leur était habituellement assigné, l'ordre établi ne l'était que parce que personne n'osait en remettre en question. Elle n’eut pas le temps d’ajouter quoi que se soit qu’elle furent prisent dans la ronde. Ce n’était pas un mal loin de là, et chaque femme qui, ce soir c’était libérée du carcan de la société l’avait fait à sa manière, une manière qui qui était propre et qui n’appartenait qu’à elle. Ce n’était qu’une fête, juste un moment de rires et de partage, ce n’était rien du tout, mais c’était par ce genre de petits signaux qu’on changeait le monde.

Aelinor se mit à rire une fois de plus à la remarque de son amie qui avait secoué la tête quand elle avait parlé de se travestir. Cet échange de rôle l’amusait beaucoup. Il n’y avait aucun doute sur le fait qu’être la seule Dame à la tête de la Treille était une position peu ordinaire. Les dorniennes avaient cette chance de pouvoir hériter sans que tous les hommes de la famille soient morts et ainsi de ne pas être sans arrêt contestée dans leurs prérogatives. Le Bief était bien différent sur ce point, mais tout le monde ne pensait pas pour autant qu’une femme était incapable de gérer un fief seule, d’ailleurs, c’était en réalité souvent le cas dès que les ommes partaient guerroyer. La plupart des demoiselles de haute naissance étaient formées pour cela et s’en sortaient très bien, comme si avoir épousé un Lord et partager son lit quand il daignait rentrer à la maison sain et sauf changeait tout à coup leur capacité à gérer les affaires d’un domaine. Et concernant l’Île des Redwyne, quel domaine ! Il fallait bien l’avouer, certaines traditions frôlaient le ridicule, mais c'était ainsi.

__ Surtout avec celles qui t’attendront à Villevieille à ton retour !


Fit la brune avec un clin d'œil.

__ Tu m’en vois ravie, la cruauté n’est pas une qualité et elle ne fait pas le Lord, ni l’homme d’ailleurs. Puisse la mère nous en préserver.


La Hightower observa les servantes et leurs cavaliers, le malaise était palpable au début, mais rapidement, l’humeur fut joyeuse et la folle farandolle se prépara.

__ Tu as raison, c’est Sarah qui rebat les cartes.


Eut-elle juste le temps de répondre avant que la ronde ne démarre. La fête continua et les rires remplacèrent les regards en coin et Aeli or continua à danser avec Desmera jusqu’à ce que cette dernière ne écroule sur un tabouret. Hélas, la brune aux yeux céruléens n’était pas dans une meilleure forme et elle déclina gentiment l’invitation de Sarah avant d’aller s'asseoir.

__ Il fait une chaleur étouffante dans cette auberge.


S'exclama-t-elle en s’éventant avec sa main. Elle attrapa sa cape et sortit prendre l’air dans la nuit. Les gardes postés à l’entrée de l’auberge furent plutôt surpris de voir quelqu’un sortir sous la pluie. La jouvencelle leva les yeux vers le ciel et se délecta de la fraîcheur des gouttes qui tombaient sur son visage. Puis elle avança vers les écuries pour essayer de trouver son oncle, se demandant ce qu’il pouvait bien faire.

Aelinor ne trouva pas Humfrey, après avoir cherché dehors, elle s’approcha de l’écurie et entendit des voix depuis la fenêtre d’une stalle. Elle ne les distingua pas bien au début, mais en écoutant avec un peu plus d’attention elle sut qu’il y avait au moins deux hommes et que l’un d’eux était Dandelion. Elle continua à écouter et passa même la tête pour essayer de distinguer à l'intérieur. Elle ne vit rien, mais ce qui l'intrigua était qu’aucune lumière n’était visible, pas la moindre lanterne allumée. Que pouvaient bien faire deux hommes dans le noir, ils ne pouvaient pas s’occuper des chevaux ainsi, sans la moindre lumière. Poussée par la curiosité, elle fit le tour et entre dans l'écurie. La porte était restée entrouverte si bien qu’elle pu s’y glisser sans la faire grincer, elle avança lentement pour ne pas faire de bruit, elle pensait naïvement trouver l’épée lige de de Desmera en train de se bourrer la gueule avec un ami et pouvoir les rabrouer un peu pour leur faire peur. qui eux aussi avaient besoin de dormir. Elle entendit des bruits étranges au fond, un cheval qui bougeait dans la paille ? Mais pas de renâclement, pas de sabot, ce n'était pas un bruit habituel et ce n’était pas non plus le bruit de deux soldats en train de boire. Elle s’arrêta lorsque elle entendit l'un d'eux dire qu’il avait entendu quelque chose. Un des chevaux avait en effet repéré la jouvencelle et venait de sortir sa tête du boxe. Elle se figea, puis elle approcha le plus discrètement possible jusqu’à la stalle du fond d’où lui parviennent les bruits qu’elle ne reconnaissait pas. En passant la tête par-dessus la porte, elle aperçut Dandélion et l'un des palefreniers en train de s'embrasser … Stupeur !

__ Hi !

Gémit-t-elle brièvement, choquée par la scène et comme figée, sans pouvoir les quitter des yeux.

__ Ser ? Qu’est-ce que…

Comme une carpe hors de l’eau, elle ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, toujours sous le choc. Elle pensait comprendre, mais elle ne voulait pas comprendre, elle ne voulait pas qu’une telle chose puisse être vraie.

__ Par les Sept.

Elle mit ses mains sur ses yeux.

__ Remettez vos chemises et expliquez moi ce que vous fichez ici. J’espère pour vous que Dame Desmera est au courant car je me dois de lui dire ce qui se trame entre ces hommes. Rassurez-moi, c’est la première fois et vous n’avez trouvé personne d’autre pour satisfaire vos besoins. Ça y est, vous êtes habillés ?

***

Quelques minutes plus tard, Aelinor frappa à la porte de la chambre qu’elle partageait avec son amie en compagnie de Dandelion. Quand elle entra, encore sous le choc de ce qu’elle avait vu, elle commença à déblatérer à vois basse.

__ Desmera, j’ai surpris Ser Dandélion en train d’embrasser un palefrenier. Il me dit que tu sais tout, je ne comprends pas.